Prédicateur : Frédéric Hubault
Date : Dimanche 2 avril 2023 Références : Luc 19 : 28 - 40 (Cliquer ici pour lire le texte)
Lecture des versets 28 à 35
28 Après avoir ainsi parlé, il partit en avant et monta vers Jérusalem. 29 Lorsqu’il approcha de Bethphagé et de Béthanie, près du mont dit des Oliviers, il envoya deux de ses disciples, 30 en disant : Allez au village qui est en face ; quand vous y serez entrés, vous trouverez un ânon attaché, sur lequel aucun homme ne s’est jamais assis ; détachez-le et amenez-le. 31 Si quelqu’un vous demande : « Pourquoi le détachez-vous ? », vous lui direz : « Le Seigneur en a besoin. » 32 Ceux qui avaient été envoyés s’en allèrent…
« Ô Jésus Fais demi-tour », je t’en supplie, « renonce à te rendre à Jérusalem », connais-tu le sort qui t’y attend ? Et pourquoi veux-tu y aller, monté sur un « ânon » ? Pourquoi veux-tu y aller ? Sais-tu ce qui t’y attends ?
Serais-tu le libérateur tant attendu ? Celui qui viendrait libérer son peuple de l’oppression ? D’autres avant toi, y sont allés avec des chars, des armes et des conspirations pour y être reconnu comme roi (Jéhu 2 Rois 9 ; Salomon 1 R 1. 38-40), pour ce faire. Et puis quel accueil auras-tu en arrivant à Jérusalem ? Certains, dans le passé, y ont été acclamés (-141 av JC) Simon Macchabées avait, lui, chassé les Syriens de Jérusalem après l’occupation. Alors je ne te raconte pas, c’est ce que me racontait ma grand-mère, « les acclamations de louange (…) ils portaient des palmes, chantaient des hymnes et des cantiques au son des harpes, des cymbales et des lyres : un grand ennemi avait été vaincu et chassé d’Israël » (1 Macc 13.51-52), plus tard, c’est, son frère, Judas Macchabées qui avait reçu un accueil tout aussi grandiose pour avoir délivré le temple souillé par un potentat syrien en ayant introduit un dieu païen faisant cesser tout sacrifice.
Mais ils étaient victorieux et bien armés, toi avec qui vas-tu venir ? 12 hommes ? Avec quelles armes, si ce n’est ta parole ? Quelle victoire peux-tu bien proclamer ? Quel espoir de délivrance peux-tu incarner pour nous autres ?
« Fais demi-tour Jésus », imagine un instant que les gens comprennent, t’espèrent en roi libérateur, que se passera-t-il lorsqu’ils te verront arriver sur un simple ânon ? Pourquoi choisir cet « ânon » comme monture ? Pourquoi pas une monture plus royale, un chameau, un cheval ? Un char ?
Pour dissiper les malentendus si vraiment tu veux y aller, petit conseil entre nous, fais revenir tes disciples et demande leur d’aller chercher une « monture plus royale », ordonne-leur au passage de s’équiper en tenues militaires, armes et autres objets tranchants ! Je dois bien l’avouer, je ressens quelque appréhension, j’ai un mauvais pressentiment. Après tout, nous nous approchons de Béthanie, de cet endroit où l’on t’a versé de l’huile comme pour un enterrement … et ce « Mont des Oliviers », rime pour moi, je ne sais pas pourquoi, avec solitude, « au revoir », douleur de l’isolement, de l’abandon, même si c’est aussi le lieu de la gloire future de Dieu à la fin des temps (Za 14.1-9 ; Ez 43.2-9), pour le moment il ne me laisse que peu d’espoir …
Non vraiment « fais demi-tour Jésus, n’y va pas, il est encore temps » … (Songeur) mais attends une minute, il me revient quelque chose à l’esprit, un refrain, une petite phrase que ma grand-mère de Jéricho me récitait avant de m’endormir pour ne pas avoir peur ; « 9 Sois transportée d’allégresse, Sion la belle ! Lance des acclamations, Jérusalem la belle ! Il est là, ton roi, il vient à toi ; il est juste et victorieux, il est pauvre et monté sur un âne, sur un ânon, le petit d’une ânesse » (Zacharie 9.9).
Serais-tu, donc, en train d’accomplir ce que le Seigneur nous a promis par la bouche du prophète Zacharie ? Serais-tu donc ce « roi humble », venu apporter la paix, en retranchant totalement les armes, en transformant nos cœurs de pierre en cœur de chair ? Et c’est vrai qu’il y a du boulot, j’aime autant de dire que lorsque l’on me fait une queue de poisson en charrette entre Jéricho et Jérusalem, j’aime autant te dire que ce n’est pas l’envie de tordre le coup au conducteur qui me manque …
Alors, finalement, serais-tu, vraiment, ce roi – juste et victorieux – pour lequel nous devrions être transporté d’allégresse ? Est-ce pour cela qu’il ne doit avoir jamais été monté cet ânon pour montrer l’honneur qui t’es dû ?
C’est vrai après tout, je comprends bien que lorsque l’on veut honorer quelqu’un, on ne lui offre pas un cadeau de seconde main – en règle générale on revend plutôt un cadeau qui ne nous plaît pas, ou on ne va pas lui offrir une bouteille à moitié entamée, en principe, on donne le meilleur des vins au début des noces tant que l’ébriété n’a pas gagné les convives ! Je comprends bien cette marque d’honneur (cf. Nb 19.2 ; Dt 21.3 ; 1 S 6.7. Cf aussi tombeau de Jésus Lc 23.53)
Très bien ! Mais qu’est-ce qui te garantit que tes disciples vont trouver une telle monture, ou que le propriétaire va laisser partir une monture aussi précieuse à la demande d’inconnus ? Si on arrivait en me disant alors que je surprends quelqu’un tranquillement prendre ma charrette, et que je demande « vous faites quoi ? », qu’ils me répondent « Notre professeur en a besoin », je ne suis pas sûr encore une fois que je leur ferai bon accueil !
Et puis que penseront les gens, si même cette monture, tu arrives à l’avoir et qu’elle te conduit sur le chemin de la gloire, de la victoire, mais qu’elle ne t’appartient pas ? Tu paraîtrais pour un roi, bien pauvre, prêt à s’humilier, à quitter tous ces apparats de gloire, pour se laisser monter sur un âne ! Quel étrange roi tu ferais et pourtant … n’avons-nous jamais rêvé d’un roi, et même, je suis sûr d’un Dieu qui soit si proche qu’il nous rejoigne dans notre petitesse, notre fragilité …
(Songeur) Et si c’était là, ce que tu souhaitais montrer au monde, et si c’était là le message que tu voulais porter, celui d’un Dieu qui par amour vient rejoindre l’humanité, dans la petitesse, acceptant l’humilité la plus profonde pour le démontrer …
Ô, Jésus, malgré tout cela, « fais demi-tour, renonce à te rendre à Jérusalem ! Sais-tu ce qui t’attend ? Connais-tu le sort qui t’es réservé ? ».
Je les entends qui murmurent, espèrent, ces foules qui attendant la délivrance « sauve-nous ! » s’apprêtent-elles à crier ces hommes, ces femmes « Hosanna ! », et je les connais ces foules aussi versatiles qu’une girouette, que se passera-t-il lorsqu’elles comprendront que tu viens avec presque rien, même cet âne sur lequel tu es monté ne t’appartient pas ? Comprendront-ils que cette « délivrance » est toute autre, que la « vérité est ailleurs » et nécessite ce « chemin de croix », que ce qui les rend captif, ce qui les oppresse est ce mal qui ronge, qui déforme tout sur son passage.
Je les entends aussi ces autorités religieuses complotées contre toi, je les entends aux tintements de 30 deniers emporter la conviction de l’un des 12, l’un de ceux que tu aimes, l’un de ceux qui t’accompagne depuis si longtemps … Jésus opère donc un demi-tour il est encore temps !
Je l’entends ce repas pour lequel de nouveau tu emprunteras une salle, toi qui n’as pas un lieu à toi pour reposer ta tête, pour partager la fête. Je l’entends ces au-revoir, cette peine mêlée d’espérance, ce repas où se dira, tout se fera y compris l’inéluctable trahison mis à jour.
« Fais demi-tour, renonce à te rendre à Jérusalem ! Sais-tu ce qui t’attend ? Connais-tu le sort qui t’es réservé ? » Je les entends ceux qui préparent ces longs morceaux de bois qui seront bientôt reliés en croix, cet instrument ignoble du supplice le plus indigne et le plus cruel qui soit.
Je les entends ces outranciers, ces soldats cruels prêt à en démordre et qui ne feront que peu de cas d’un homme rejeté par tous, je les entends déjà, leurs rires narquois, leur manigance, leur moquerie, leur crachat, je les entends déjà les coups violents qu’ils te porteront, je les entends déjà ces rires rythmant le claquement de fouet qui déchirera ta peau, je les entends fouinant dans un buisson d’épine, pour en assembler quelques branches et percer ta tête de ces épines aiguisées, je les entends te saluant avec mépris, te giflant, non Jésus fais demi-tour, il est encore temps …
Je les entends aussi, tous ceux qui criaient autrefois « sauve nous », s’égosiller bientôt avec des « crucifie-le », je les entends même tes amis les plus chers t’abandonner, j’en entends même un par trois fois, nier te connaître ! Oui je le sais ce chemin de croix, de douleur, que tu veux emprunter est celui annoncé, prévu depuis si longtemps pour que justice soit rendue ! Pour que l’amour du Père soit manifesté au monde, mais faut-il que ce soit aussi dur ?
« Fais demi-tour, Jésus », sans doute tes disciples vont revenir avec la monture, il est encore temps …
Je les entends le bruit métallique de ces clous dans la main de tes bourreaux, qui bientôt vont percer sèchement tes mains, Je les entends aiguiser cette lance qui blessera, bientôt, ton côté !
J’entends tes cris adressés à ton Père, tes paroles d’espérance adressé au brigand près de toi, ton sentiment déchirant d’abandon, ton dernier souffle ! Je les entends aussi ces négociations pour trouver une sépulture qui ne t’appartient pas non plus … Pas un lieu pour finir ses jours, pas même un tombeau pour y reposer, quel étrange roi, quel étrange Dieu …
Alors, certainement, plus tard, celles et ceux qui entendront à leur tour, tout cela, que t’auraient-ils dit ? Et si plus tard, on entend cette histoire, que penseront ils ?
Je vois au loin un nuage de poussière, sans doute cette monture, ta monture, la dernière approche ?
Que diront-ils ces personnes qui liront ces mots, ces paroles, cette histoire du chemin de croix, ton chemin à toi. Et s’ils sont bien plus confiants que moi en Dieu, en ta mission t’inciteront ils à faire demi-tour ? Eux auront peut-être compris que ce chemin leur permet de faire eux-mêmes demi-tour, en se détournant du mal et du péché qui les enserre, pour se tourner vers Dieu, ce Dieu qui libère de l’oppression la plus terrible, la moins visible, car elle reste tapie au fond de nous et que la honte et la culpabilité nous laisse enchaînes … le péché … Oui ceux qui comprendront, ceux qui dans les années, et les siècles qui viennent entendront parler de cet épisode de ta vie, que tu as arpenté ce chemin de délivrance, pour eux … que tu as accepté ce chemin, que tu l’as vécu … ils seront certainement changés, réorientés …
Oui si tu choisis ce chemin, certainement que celles et ceux qui entendront parler de cela seront changés à jamais, qu’à coup sûr ils avanceront unis, à ta suite pour continuer de proclamer ton message, certainement qu’ils ne feront pas demi-tour à leur tour, mais ils iront aussi humblement et déterminé que toi, sur le chemin de la vie, pour partager cette nouvelle, car j’entends aussi la pierre roulée, les cris de vie, les cris de victoire …
Oui, Jésus, nous ne savons ce qui nous attend, et toi tu le sais, je le crois tu sais ce qui t’attend et qu’il te faut pour nous tous que tu y ailles, mon cœur se serre, mes larmes ruissellent à imaginer tout ce que tu vas endurer, vivre et mourir, mon âme défaille à l’idée que tu es prêt à prendre ce chemin-là, à choisir de marcher sur le chemin qui nous apportera la délivrance, Jésus je serais alors prêt à tout donner, tout changer dans ma vie, à te suivre sur la voie de l’humilité, de l’amour, du pardon, car tu m’y as précédé !
Alors, oui Jésus rends moi aussi capable de faire confiance à Dieu, et que pour les générations qui viennent, lorsqu’ils rencontreront les mêmes hostilités, « fais taire tes disciples » mais qu’à ta suite, ils garderont confiance, c’est sur … Alors oui, même « les pierres crieront » … Et si cette victoire, cette délivrance …
Et peut-être même qu’il ne te faudrait surtout pas m’écouter … Jésus fera-t-il demi-tour ? Renonceras-tu à entrer à Jérusalem ? Renonceras-tu pour notre salut, à prendre cette condition du serviteur ? Ferais-tu « demi-tour » pour monter au ciel et retrouver ta condition glorieuse auprès de Dieu son Père ? Alors Jésus finalement, si je comprends bien, si tu fais « demi-tour » nous resterons malheureux dans nos esclavages, notre péché ? Et si tu ne fais pas demi-tour, l’Église, ta famille, devrait-elle le faire en se repliant sur elle-même …
Mais si tu fais demi-tour, qui sait ce qui se passera ? Où trouverons-nous l’espoir ? Qui nous montrerait le chemin qui conduit à Dieu ? Celui de l’humilité, de l’amour inconditionnel, du pardon répandu ? Si tu n’y vas pas nous serons perdus … où trouverions-nous l’exemple pour savoir comment aimer ? Comment pardonner ? Où serait notre espérance … Mon cœur est si déchiré, d’un côté, j’entends ce qui t’attends si tu y vas et je vois ce que nous perdrions si tu n’y vas pas … je mesure aussi que tu sais ce qui se passera, je commence à comprendre que tu connais bien le sort qui t’attend, que tu es prêt à assumer les fausses accusations, ce faux procès, la croix pour moi, pour nous … mais maintenant, tes disciples trouveront ils cet ânon pour que se tourne cette page d’un chapitre si important pour la vie de notre monde, pour qu’un nouveau chapitre s’ouvre écrit ici depuis ce petit pays, dans cette petite région du monde … trouveront-ils cet ânon pour que le plan de salut s’accomplisse, pour que la paix vienne dans ce monde … le trouveront-ils ? Et accepteras-tu d’arpenter ce chemin de croix, pour moi, pour nous, pour ce monde ? Ô Jésus (cri de désespoir) et s’ils ne trouvaient pas l’ânon ? Nous serions sans espoir ! Ô Seigneur, s’ils ne trouvaient pas ce simple animal, qui nous apporterait la paix du cœur ? Ô Seigneur si tu faisais demi-tour, où irions-nous, qui crierait que l’espoir est là, où seraient ces pierres qui roulent pour chanter tes louanges et annoncer au monde la libération … et s’ils ne trouvaient pas l’ânon … et si tu faisais demi-tour » …
Lecture de la suite du texte
[ils] trouvèrent les choses comme il leur avait dit. 33Comme ils détachaient l’ânon, ses maîtres leur dirent : Pourquoi détachez-vous l’ânon ? 34 Ils répondirent : Le Seigneur en a besoin. 35 Et ils l’amenèrent à Jésus ; puis ils jetèrent leurs vêtements sur l’ânon et firent monter Jésus.
36 A mesure qu’il avançait, les gens étendaient leurs vêtements sur le chemin. 37 Il approchait déjà de la descente du mont des Oliviers lorsque toute la multitude des disciples, tout joyeux, se mirent à louer Dieu à pleine voix pour tous les miracles qu’ils avaient vus. 38 Ils disaient :
Béni soit celui qui vient, le roi, au nom du Seigneur !
Paix dans le ciel et gloire dans les lieux très hauts !
39 Quelques pharisiens, du milieu de la foule, lui dirent : Maître, rabroue tes disciples !
40 Il répondit : Je vous le dis, si eux se taisent, ce sont les pierres qui crieront !