Boire un thé : entrer dans le sanctuaire et apprendre à savourer

Prédicateur : David Kugler

Date : dimanche 25 avril 2021
Références : Jacques 1 : 16 - 21

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Bonjour à tous, quel plaisir de pouvoir partager avec vous quelques pensées, quelques réflexions, qui m’aident à avancer, un peu, dans la compréhension de ce qu’attend mon Dieu de notre relation. J’ai choisis d’aborder mon sujet ce matin au prisme d’une de nos petites habitudes de la vie qui nous façonnent et qui peuvent nous révéler la présence de Dieu dans notre quotidien de façon surprenante. Je continue une série, inspirée du livre de Tish Harisson qui est pasteure de l’Église anglicane de Pittsburgh, qui s’intitule « liturgie de la vie ordinaire » et qui essaye de déceler la sacré dans l’ordinaire et l’ordinaire dans le sacré. Je vous ai déjà indiqué l’importance de faire son lit le matin, les réactions à avoir quand on perd ses clés et aujourd’hui je vous invite à nous arrêter quelques minutes et à prendre un thé.

Lecture de Jacques 1 : 16 – 21

Les amateurs de thé, ou de café, ( je pourrais même ajouter de bière ou de bon vin, une pasteure américaine de l’église anglicane ne pouvait pas écrire ça, mais en tant que français, pourquoi pas ? ) connaissent cette sensation, cet instant savoureux, quand il est pris dans un environnement particulier, sur une terrasse, quand le soleil se couche, et que le vent caresse les branches des arbres, après une journée de travail.

En Genèse 1, chaque fois que Dieu achève une nouvelle création, il déclare que c’est bon et il nous permet généreusement de régner sur chacune d’elles afin d’en apprécier la saveur. Les psaumes nous invitent à goûter comme l’Éternel est bon, pas uniquement de se le dire ou de le confesser mais bien de goûter combien il est bon. Cette tasse de thé, ce crépuscule serein, tout cela m’enseigne, la bonté de Dieu, et à travers mes sens je goûte, j’entends, je ressens, je vois que Dieu est bon.

Alors, entrons, dans cette dégustation …

Je crois que Dieu se délecte encore plus que nous, des moments de bien être qu’Il nous propose. Lors d’une promenade, à l’écoute d’un merveilleux solo de guitare, à la sensation des rayons de soleil sur notre peau, en goûtant le couscous fantastique de Paulette Pongy, ou en buvant un thé, si nous ressentons du plaisir, on peut se dire, que cela correspond à ce que Dieu ressent aussi. Certain pense quelque fois que l’Église doit rejeter le plaisir ou la joie ; il est classique d’être décrit comme des gens qui ont une peur panique que quelqu’un, quelque part, puisse être heureux

En réalité, la Bible est remplie de moments de joie et de plaisir, passages innombrables qui expriment directement ou de façon plus cachées, les moments de joie ressentis par ceux qui recherchent la face de Dieu et c’est l’Église elle-même qui a montré l’exemple dans l’art de la réjouissance et du plaisir.

Il y tellement d’exemples. Connaissez-vous l’origine du cappuccino ? Ce délicieux café avec de la crème chantilly et des copeaux de chocolat. Café synonyme d’une moment de douceur et de gourmandise dans tous les « cafés » du monde Eh bien, ce sont des moines éthiopiens qui ont inventé le café et le terme cappuccino fait référence à la nuance de brun utilisée pour les vêtements des frères capucins d’Italie.

Le café est le fruit de l’extravagance d’un Dieu extravagant, qui forme un peuple extravagant, capable de tirer tout un savoir être du simple plaisir procuré par des grains de café torréfié et de la mousse de lait.

Continuons à déguster notre thé ou notre cappuccino…

Une culture imprégnée de l’Évangile honore toute jouissance, toute fête, toute sensualité qui soit juste et bonne. A travers l’adoration et la communauté, les chrétiens laissent derrière eux, au cours de l’histoire, un héritage de beauté : les peintures de Rembrandt, la musique de Bach ou de U2, les basiliques, l’iconographie, la galette des rois, la Guinness …Et la liste est longue

En prenant plaisir à la création de Dieu, nous sommes le reflet de Dieu lui-même.

Quand Dieu dit que la création est bonne, ce n’est pas à la manière stoïque d’un manager qui se dépêcherait de vérifier la qualité des produits pour pouvoir sortir du travail plus tôt, OK la mer, check, c’est bon, les étoiles check, c’est bon, les animaux check, non ! Dieu se délecte du chant du Rossignol, et de la musique harmonieuse des vagues de l’océan, savoure l’intensité subtile du chocolat noir et s’extasie devant la beauté des plumes du paon. Un écrivain chrétien pense que Dieu s’émerveille comme un enfant, qui ne se lassent jamais de la beauté et du plaisir, ils ne se sentent pas coupables de prendre le temps de chercher des coquillages, d’inventer un jeu ou de se régaler au goûter, et « cela fait leur joie ».

Nous avons péché et nous avons vieilli, nous devenons petit à petit insensibles aux merveilles qui nous entourent. Cela semble paradoxal mais le plaisir demande de l’entraînement. Peut-être, devons-nous réapprendre, au cours de notre vie, à nous abandonner à la joie et aux réjouissances.

Vous l’avez compris, nous essayons de déceler ce qui pourrait être sacré dans nos gestes de la vie de tous les jours et en particulier, ce que ces moments de plaisirs, de joie, de quiétude, nous apportent, quand on prend un thé, ou un café, une bière, un verre de très bon vin, sur sa terrasse en écoutant chanter le vent dans les arbres.

Chanter, justement, vous arrivent il de chanter dans votre vie ordinaire ?

Les chrétiens aiment chanter, quel que soit la justesse de notre voix, nous aimons chanter. Tous les dimanches, où que vous soyez sur terre, vous trouverez des chrétiens en train de chanter. Chants grégoriens, gospel, louange pop rock, chœurs d’Afrique orientale. La musique résonne dans toutes les communautés chrétiennes.

L’adoration nous aide à reconnaître la beauté et à y réagir. Nous apprenons le plaisir d’être des humains avec une culture humaine. L’adoration oriente cette soif innée de plaisir et de sensualité vers le seul qui soit capable de l’étancher, Dieu lui-même, celui qui nous a créé pour que nous nous délections de lui pour l’éternité. Il me semble que beauté et bonté peuvent aller ensemble, que la joie, en lien avec la beauté de toutes créations, font partie des dons parfaits dont nous parle l’apôtre Jacques dans le texte que nous avons lu ; nous sommes naturellement enclins à accueillir ces moments avec gratitude Mais plus encore, je crois, nous y répondons par l’adoration. Non seulement, notre cœur est reconnaissant d’éprouver ce plaisir mais celui-ci va nous pousser à penser au Créateur, à ce monde si débordant de charme et de beauté. Comme le dit CS Lewis, les rayons du soleil, nous poussent à remonter, par la pensée, jusqu’à leur source.

La bonté de Dieu peut aussi s’exprimer, simplement, par des petits instants de plaisir, comme une balade le long d’un ruisseau ou la merveille de l’eau chaude, où infusent des feuilles séchées.

Deux risques

Avant de conclure, permettez-moi d’aborder cependant, deux risques qui pourraient mettre en péril ces petits moments de gloire dans nos journées.

Tout d’abord, pour pouvoir vivre ces moments de joie, il faut avoir des moments disponibles.

Là encore, il me semble que les rythmes de nos sociétés occidentales ne nous font pas progresser dans nos capacités à nous arrêter pour contempler, même une simple tasse de thé. Nous sommes si occupés, si pressés, si pragmatiques que nous développons l’habitude d’être inattentifs à ce qui se passe autour de nous. Je regarde en ce moment, une série, sur l’histoire d’un homme qui sort du « couloir de la mort » après 19 ans d’incarcération et le contraste est frappant entre ce qu’il ressent, toutes les sensations simples de la vie, simples mais innombrables et que tous ses proches ne ressentent pas. L’air sur son visage, un chant d’oiseau, la fraîcheur de l’herbe verte, les couleurs du ciel Il est le seul à ressentir cela.

Et l’endroit où ce contraste semble le plus criant se trouve à l’Église dans laquelle il se rend, un peu forcé. Très active, avec un super groupe de musique, avec plein d’activité les plus variées les unes que les autres. Une super Église qui va lui parler de Jésus tout de suite et lui proposer de se faire baptiser. Il acceptera, il se fera baptiser, tout le monde sera « aux anges » mais … il repartira, sans avoir trop compris « le sens de tout ça », car il n’y a eu aucun moment de calme, c’était trop plein, trop fort, ça parlait trop, ça chantait trop fort et « ça priait trop vite ».

Nous ne sortons pas de prison mais je pense que nous avons-nous aussi, besoin de prendre le temps d’adorer Dieu en remarquant les différentes couleurs des yeux nos enfants, ou le bruit de la pluie sur la véranda. Boire un thé pendant une heure peut sembler être une perte de temps mais jouir simplement du monde dans lequel nous vivons demande beaucoup de force. Il faut donc nous entraîner, comme si c’était un muscle, un muscle qui nous permettrait de nous réjouir et de nous délecter de la vie. Voir que le monde est bon et beau est un privilège et une responsabilité Quelqu’un a dit « si nous prenons l’habitude de savourer les beautés du monde, la création ne joue pas, devant un parterre vide »

Et cependant, le deuxième risque serait de faire du plaisir, une idole. C’est quand une petite voix intérieure commence à crier encore encore ! et que ce désir de recevoir toujours d’avantage transforme un plaisir en addiction. Plus rien ne nous satisfait.

Il faudra donc du discernement. La solution n’est pas d’éviter la joie mais de la ressentir et de la lire correctement.

Conclusion

Ces minuscules moments de beauté dans nos journées ordinaires, sont donc des exercices d’adoration et de discernement. Dostoïevski a écrit que « la beauté sauvera le monde » A-t-il forcé le trait ? Mais tandis que notre culture rejette de plus en plus l’idée et le langage de la vérité, le rôle de l’Église, est de rendre un témoignage puissant au Dieu de toute beauté.

Être les garants de la beauté, du plaisir, et des délices fait donc nécessairement partie de notre mission, celle qui consiste à reconnaître que la vérité est belle.

C’est une façon, mais l’une des plus importantes, de manifester et de vivre la joie.

Ces moments, où je vois la beauté qui m’entoure, dans une tasse de thé, les arbres nus de l’hiver ou la douceur des ombres, me font l’effet des cloches d’une église qui sonnent Elles viennent ouvrir mes yeux, attirer mon attention pour me rappeler sans cesse que Christ est parmi nous. Le chant de joie, que son peuple, reprend en chœur aux quatre coins du monde, résonne dans la petite rue ordinaire où j’habite et ses échos se répercutent jusque dans mon salon …

 

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