Covid et la mort, peur et espérance (2ème partie)

Prédicateur : Evert Van de Poll

Date : dimanche 7 février 2021
Références : Romains 8

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Introduction

Aujourd’hui je vous présente le deuxième volet de mes réflexions à l’occasion de la pandémie qui court, celle du coronavirus et du covid-19. Dimanche dernier j’ai observé que dans les médias l’on parle de tous les aspects de cette pandémie, à longueur de journée, mais qu’un sujet passe systématiquement sous silence. Et pourtant, c’est un aspect très important : la mort. Le fond de l’affaire est que le virus fait beaucoup de victimes mortelles. Ainsi, la pandémie nous rappelle-t-elle notre fragilité, notre mortalité.
Or, c’est là un sujet tabou dans la société moderne. Oui, on parle des chiffres de mortalité, mais ce sont des chiffres froids. Dans l’actualité, personne ne parle du sens de la mort.

Dans les jeux vidéo, la mort est omniprésente, banalisée, mais pour ceux qui jouent, cela fait partie du jeu, ils ne se rendent pas compté du ce que cela veut dire réellement que de mourir.

Aujourd’hui, 75% des gens meurent sur un lit d’hôpital. Les médecins et d’infirmiers qui les entourent en savent beaucoup sur le fonctionnement du corps, et ils en parlent aux patients et à leurs familles. Mais ils ne sont pas du tout formés pour parler avec eux du sens de la mort. En fait, personne ne leur a appris de préparer un patient mourant à la mort en tant que telle.

Il en est de même du personnel des EHPAD, ou la plupart de ceux qui ne meurent pas dans un hôpital font décéder.

Idem pour ce qui concerne les psychologues que l’on consulte quand on est angoissé par la perspective de disparaître un jour, ou ébranlé par le décès d’un proche. Ils se concentrent sur mieux vivre maintenant, mais n’entrent pas dans les sens de la mort comme le passage vers un éventuel au-delà.

Qu’en est-il des pompes funèbres prennent soin des dépouilles, des obsèques, et ils accompagnent les familles dans les choses administratives liées au décès ? Ils le font, professionnellement, discrètement, mais ils ne parlent pas avec la famille du sens de la mort. Ils ne sont pas formés à cela.

Si on a du mal à aborder ce sujet, c’est aussi parce que personne ne nous apprend à en parler. On l’évite, car on ne sait pas l’aborder. On essaie de vivre sans y penser. Mais cela n’arrange en rien les choses. On va tout de même mourir un jour.

Or, sur ce sujet, les chrétiens ont des choses importantes à dire. Le sens de la mort est au cœur de l’enseignement de Jésus, des apôtres, et aussi dans l’Ancien Testament. Mais force est de constater que nous n’en parlons pas trop – et j’ai fait ce constat dimanche dernier.

Aujourd’hui, mon thème est : Conscience de la mort et force de l’espérance

La Bible nous invite à y réfléchir systématiquement, car cela nous apprendra le véritable savoir vivre.

Éternel, dis-moi quel est le terme de ma vie, quelle est la mesure de mes jours (Psaume 39 : 4). Apprend nous à compter nos jours afin d’obtenir sagesse (Psaume 90 : 11)

Il est important de se souvenir régulièrement de la mort, pas seulement quand nous avons perdu un être cher, car ceci nous conduit à un nouveau degré de santé spirituelle, enracinée dans la mort et la résurrection de Jésus.

Paradoxalement, la meilleure façon de profiter de votre vie est d’être honnête au sujet de votre mort.

Réalisme chrétien

C’est ce que j’appelle le réalisme chrétien. Un croyant est réaliste dans le sens où il assume pleinement sa mortalité.

Pour surmonter la peur de la mort, il ne cherche pas seulement à être en accord avec lui-même et les autres, comme le conseillent les psychologues, mais il place sa confiance en Jésus Christ le Fils de Dieu qui a vaincu la mort.

Il ne prend pas seulement en compte son expérience de ce côté de la tombe, mais aussi ce qui adviendra après. Le sens de la mort est lié à la destinée éternelle de l’homme. Et là, un chrétien est plein d’espoir parce qu’il a placé sa confiance en Dieu le Père céleste, à travers Jésus-Christ, aussi bien pour cette vie ici et maintenant que pour le moment de la mort, et pour la vie éternelle. Puisque Jésus a vaincu la mort, il nous libère de la peur de la mort.

Là encore, un chrétien est réaliste. Il ne se laisse pas berner par des vaines paroles des hommes qui parlent de « lumière » et « paix », ou qui nous assurent qu’il n’y a rien après la mort, sans qu’ils n’aient jamais vu l’au-delà. Ce sont des suppositions, des hypothèses, voire des spéculations.

Oui, on peut entendre ou lire le témoignage de ceux qui sont par une mort clinique et qui ont vu des choses qui les attendraient au-delà de la tombe. Quand ils en parlent, ils évoquent le côté agréable de leurs visions : la lumière, la paix céleste, une figure en blanc, etc., mais il est rare de les entendre parler des éléments effrayants : la souffrance, le feu, des figures en noir, etc. Ils n’osent pas en parler, de peur que l’on les prenne pour des fous, ou tout simplement pour refouler cela. Personnellement, j’ai eu l’occasion d’entendre des témoignages parler des deux aspects. Dans leur ensemble ils vont dans le sens de ce que dit la Bible sur le jugement à venir.

Par contre, un chrétien fait confiance à la seule personne qui est entrée dans la mort et qui est revenue – Jésus Christ. S’il y en a un qui sait ce qui nous attend, c’est lui. C’est pourquoi il prend au sérieux ses paroles. Et à cause de lui, on prend au sérieux aussi tout ce que la Parole de Dieu dit, non seulement sur le ciel, mais aussi sur le jugement, la punition, et l’éloignement durable de Dieu appelé parfois l’enfer.

Triple perspective – confession de foi apostolique

S’agissant de l’au-delà, la Bible met en perspective trois choses : le jugement dernier, la résurrection du corps et la vie éternelle.
Cette perspective est au cœur de la foi chrétienne. Elle fait partie des doctrines fondamentales de la foi chrétienne. Le résumé le plus ancien, et le plus connu, est la Confession de foi apostolique. Elle date du 2e siècle. Elle est aussi appelée Crédo (d’après le premier mot ce qui veut dire « je crois ») ou les Douze articles de la foi.

Le crédo est aussi la confession la plus universelle, elle est partagée par quasiment tous les courants du christianisme. C’est le texte qui nous unit le plus en tant que chrétiens de toutes les confessions.
C’est la base de la catéchèse de l’Église. Et chose remarquable : trois des douze articles portent sur l’avenir après la mort.

Lisons ce texte ensemble, à haute voix. Je vois invite à vous lever.

Je crois en Dieu, le Père tout-puissant,
Créateur du ciel et de la terre.
Et en Jésus Christ, son Fils unique, notre Seigneur ;
Qui a été conçu du Saint Esprit, est né de la Vierge Marie,
A souffert sous Ponce Pilate, a été crucifié,
Est mort et a été enseveli, est descendu aux enfers ;
Le troisième jour est ressuscité des morts,
Est monté aux cieux, est assis à la droite de Dieu le Père tout-puissant,
D’où il viendra juger les vivants et les morts.
Je crois en l’Esprit Saint,
À la sainte Église universelle (catholique),
À la communion des saints,
À la rémission des péchés,
À la résurrection de la chair,
À la vie éternelle.

Vous pouvez asseoir, et je continue ma réflexion sur les trois articles soulignés.

Perspective du jugement

D’abord le jugement dernier, le jour où Dieu va remettre les choses dans l’ordre. Chaque être vivant, c’est-à-dire son âme ou son esprit, son « moi », doit paraître devant le Créateur qui le jugera selon ses actes.

La Bible dit : « il est réservé aux hommes de mourir une seule fois, après quoi vient le jugement » (Hébreux 9 : 27).

Jésus-Christ a porté sur la croix toutes les injustices du monde, tous les péchés, y compris les miens, et il a payé pour cela le prix de sa propre vie. Ainsi, il libère l’homme du poids de ce qu’il a fait de mal. Grâce à lui je suis réconcilié avec Dieu dès lors que je fais repentance en plaçant ma confiance en lui. Je peux donc remettre mon esprit entre ses mains, le moment venu, sans avoir à craindre le jugement, car Christ a payé pour moi !

J’ai cette assurance, non pas parce que je le mérite, mais seulement parce que Jésus-Christ a ouvert la porte à la vie éternelle pour les hommes.

C’est pourquoi le texte en Hébreux 9 que je viens de citer, continue :

« De même Christ, qui s’est offert une seule fois pour porter les péchés de plusieurs, apparaîtra sans péché une seconde fois à ceux qui l’attendent pour leur salut » (v. 28).

Comme le dit un vieux cantique, heureusement retenu dans les recueils de JEM : « couvert de SA justice, j’entrerai dans les saint lieux ».

Perspective de la vie éternelle

La Bible ne parle pas seulement du jugement, que l’on peut craindre, mais aussi de la perspective de la vie éternelle.

Heureusement que la vie ne s’arrête pas à la mort. L’Évangile est bonne nouvelle, justement, parce qu’il est le message d’un Sauveur mort et ressuscité, qui a promis à ses disciples : « Je vis, et vous vivrez » (Jean 16). Par sa résurrection il a ouvert la porte du ciel à tous ceux qui croient en lui. Cela ouvre une perspective d’une gloire à venir, qui dépasse largement tout ce que l’on peut souffrir, et même tout ce dont on peut jouir pendant ces jours sur terre.

Le croyant peut affirmer avec la certitude de la foi : qu’il m’arrive dans cette vie, le meilleur reste encore à venir.

La vie éternelle, c’est littéralement « la vie du siècle », c’est-à-dire la vie du siècle à venir, le nouveau monde promis par les prophètes, et que Jésus appelait « le Royaume » ou « le règne de Dieu ». C’est la nouvelle création où Jésus Christ règnera avec tous les croyants.

Ce siècle à venir commence avec le retour du Christ, quand il établira le Royaume définitivement.

La bonne nouvelle est que nous pouvons entrer dans ce Royaume déjà maintenant, par la foi. Jésus est présent dans notre vie par l’Esprit-Saint. Nous pouvons déjà connaître la force de sa résurrection.

Et quand l’heure de mon trépas est venue, je ne serai pas mis dans une sombre salle d’attente pour attendre le dernier jour, mais je serai accueilli dans la maison du Père céleste, je serai là avec le Seigneur Jésus Christ, devant son trône, dans sa gloire. Car, « nous avons un grand sacrificateur qui est monté au ciel pour nous préparer une place » (Hébreux 4 : 14).

Jusqu’au jour où il reviendra sur la terre, et là, le reviendrai avec lui. Dans son cortège resplendissant.

Perspective de la résurrection du corps

Alors, se réalisera la troisième perspective, celle de la résurrection du corps. Dans la doctrine chrétienne cela s’appelle la glorification. Pour incroyable que cela puisse paraître, « nous serons semblables à lui », celui qui est ressuscité, affirme l’apôtre Jean (1 Jean 3 : 4).

Paul déclare que « nous serons « glorifiés avec le Christ » (Romains 8 : 17). Et il ajoute : « Ceux qu’il a prédestinés, il les a aussi appelés ; ceux qu’il a appelés, il les a aussi déclarés justes ; et ceux qu’il a déclarés justes, il leur a aussi accordé la gloire » (Romains 8 : 30).

La glorification est l’étape finale de l’application de la rédemption. Elle aura lieu lorsque Christ reviendra et qu’il ressuscitera les corps de tous les croyants de tous les temps qui sont morts, et les réunira à leurs âmes. En même temps, il changera les corps de tous les croyants encore en vie, donnant ainsi à tous un corps de résurrection parfait. Ce corps sera semblable à son propre corps de résurrection dans lequel il est apparu vivant à ces disciples pendant les 40 jours entre sa résurrection et son ascension au ciel.

C’est dans un corps de résurrection que nous serons avec le Christ dans la nouvelle création, et que nous régnerons avec lui sur la nouvelle terre.

Paul dit que les chrétiens ne mourront pas tous, mais que ceux qui seront encore en vie au retour de Christ verront leur corps transformé instantanément en un corps de résurrection.

« La trompette sonnera, alors les morts ressusciteront incorruptibles et nous, nous serons transformés. Il faut en effet que ce corps corruptible revête l’incorruptibilité et que ce corps mortel revête l’immortalité. Lorsque ce corps corruptible aura revêtu l’incorruptibilité et que ce corps mortel aura revêtu l’immortalité, alors s’accomplira cette parole de l’Écriture : La mort a été engloutie dans la victoire. Mort, où est ton aiguillon ? Enfer, où est ta victoire ? » (1 Corinthiens 15 : 53 – 55).

La résurrection de notre corps marquera la victoire totale sur la mort qui a résulté de la chute d’Adam et Ève. Notre rédemption sera alors totale.

Assumer – memento mori

Pour saisir cette perspective, il faut au préalable prendre conscience de se mortalité. L’importance de cette prise de conscience a toujours été reconnu. Il y avait une expression pour cela : memento mori, souviens toi de ce que tu es mortel.

Dans le passé, cette conscience venait plus facilement. Les gens mouraient plus jeunes, il y avait des maladies et des épidémies mortelles, des guerres, etc. Si la plupart des décès surviennent aujourd’hui dans des établissements médicaux isolés de chez nous, la plupart des gens autrefois mouraient chez eux, dans les mêmes pièces où d’autres membres de la famille dormaient dans leur lit, mangeaient leurs repas ou lisaient leurs livres. Compte tenu de la présence omniprésente de la mort, l’appel à la mémoire de la mort était sûrement plus facile à accepter pour eux que pour nous. Ils avaient des rappels visibles de l’emprise de la mort tout autour d’eux, alors que beaucoup d’entre nous peuvent éviter le sujet pendant la plupart de nos vies, si nous le choisissons.

Mais c’est justement pour cette raison que la discipline de la conscience de la mort est peut-être encore plus cruciale à notre époque. Car si l’espérance de vie est beaucoup plus longue qu’autrefois, le taux de mortalité reste stable et universel. L’auteur américain David McCullough écrit sur ce sujet :

« La façon dont nous affrontons la mort, nous façonne pour affronter toute la vie. Se souvenir de notre mortalité, nous aidera à grandir dans la foi, l’espérance et l’amour. Je ne parle pas de la préparation à sa propre mort, même si cela aussi est une tradition séculaire. Je veux dire la perspective que la mort en tant que réalité inébranlable donne à notre vie sur terreJe ne parle pas de la préparation à sa propre mort, même si cela aussi est une tradition séculaire. Je veux dire la perspective que la mort en tant que réalité inébranlable donne à notre vie sur terre.« 1

Memento mori – prendre position

Le memento mori est aussi un appel à répondre à l’invitation de l’Évangile, à prendre position.

Oui, je vais mourir un jour. Cela peut m’arriver même à la sortie de cette salle, par un chauffard qui vous fauche dans la rue, par exemple. Si je le dis, c’est que cela m’est arrivé l’année passée. Lorsque je faisais mes cent pas, je ne me suis pas aperçu de la voiture qui s’approchait à grande vitesse, et avant que je l’aperçoive elle m’a percuté. J’avais le réflexe de me jeter sur le capot, et ça m’a sauvé la vie. La voiture freinait brusquement et je fus jeté par terre devant. Sans blessure. Mais sous le choc.

Une dame sortit et s’approcha : « Monsieur, vous n’êtes pas blessé ? Je suis vraiment désolé. Je ne vous ai pas vu. Si, je vous ai vu, mais je ne vous ai pas vu… » Elle était sous le choc aussi. Pendant que je cherchais mes lunettes perdues dans ma chute, elle disait qu’elle n’avait eu la tête ailleurs, car elle venait d’apprendre le décès de son frère qu’elle aimait tant. Et à cause de cale elle a failli occasionner un deuxième décès !

En rentrant à la maison j’ai dit à Yanna : « je suis un miraculé, je viens d’échapper à la mort ». Alors, c’était à elle d’être sous le choc.

La question est donc chaque jour : Est-ce que je suis prêt à mourir ?

Est-ce que je suis prêt à paraître devant Dieu, tout seul ? Ou vais-je m’abandonner à Jésus-Christ, le seul à avoir vaincu la mort ? Est-ce que je vais placer ma confiance en lui et devenir son disciple ?

Est-ce que je vais mourir avec lui à la vie sans Dieu, et participer à la résurrection dans une vie nouvelle, une relation avec Dieu dans laquelle rien ne peut me séparer de lui, même pas la mort (Romains 8 : 37) ?

Notre avenir après la mort dépend de la décision prise dans cette vie sur terre. C’est un thème récurrent dans le message des évangélistes de tous les temps.

Bien que l’offre de salut soit faite à toute l’humanité, elle doit être reçue par la foi. Il appartient à chaque homme et à chaque femme qui entend l’Évangile, d’assumer sa mortalité.

C’est dans cette vie que se détermine l’avenir au-delà de la mort !

Aider sans avoir peur de la mort – exemples du passé

L’espérance chrétienne est la base d’une tradition importante dans l’histoire de l’Église, celle de prendre soin des mourants, même au risque de sa propre vie, surtout quand une épidémie frappait la population. C’est une longue histoire qui commence déjà dans les Églises primitives.

En 165, sous le règne de Marc Aurèle, l’Empire romain fut balayé par une épidémie dévastatrice, vraisemblablement la première apparition de la variole en Occident. Pendant les quinze ans qu’a duré ce fléau, entre un quart et un tiers de la population en est probablement morte. Au plus fort de l’épidémie, la mortalité était si grande dans de nombreuses villes qu’il y avait des caravanes de charrettes et de chariots transportant les morts, ce qui a horrifié Marc Aurèle qui en a fait état dans ses écrits. Puis, un siècle plus tard, en 251, une autre grande plaie survint. Une fois de plus, le monde gréco-romain trembla alors que, de tous côtés, famille, amis et voisins mouraient horriblement.

La réponse païenne à ces épidémies était prévisible, mais horrible. Dionysies, l’évêque d’Alexandrie, a tragiquement décrit les événements dans sa ville :

Au premier début de la maladie, ils [les païens] ont repoussé les malades et se sont enfuis de leurs plus chers, les jetant dans les routes avant qu’ils ne soient morts et ont traité les cadavres non enterrés comme de la saleté, espérant ainsi éviter la propagation et la contagion de la maladie mortelle ; mais quoi qu’ils fassent, ils avaient du mal à s’échapper2.

Face à des circonstances aussi horribles, les gens se sont naturellement posé des questions sur les raisons pour lesquelles la catastrophe avait frappé et sur la réponse à donner. Les religions païennes, cependant, offrait très peu de consolation ou de conseils parce que les dieux de l’antiquité classique ne montraient aucun intérêt pour les affaires humaines.

Les chrétiens avaient un autre regard sur la mort qui les a amenés à soigner les mourants. Les dirigeants de l’Église ont rappelé à leur peuple l’espoir de la résurrection et les ont aidés à donner un sens à la mort. Les chrétiens se sont accrochés à leur croyance en la résurrection corporelle et à une nouvelle vie dans l’avenir promis de Dieu. Pas de place pour la peur.

L’évêque Cyprien de Carthage, par exemple, a encouragé sa communauté de considérer l’épidémie comme une « occasion d’apprendre à ne pas craindre la mort ». Il a placé la mort d’êtres chers sous un nouveau jour avec ces mots :

[Nos] frères et sœurs qui ont été libérés de cette terre par l’invocation du Seigneur ne devraient pas être pleurés, car nous savons qu’ils ne sont pas perdus mais envoyés avant nous. En partant, ils nous montrent la voie… Aucune occasion ne devrait être donnée aux païens de nous censurer à juste titre et justement, au motif que nous pleurons pour ceux que nous disons vivants [auprès du Seigneur] 3.

Libérés de la peur de la mort et croyant fermement dans la vie éternelle, les chrétiens de cette époque ont fourni des soins de base aux malades et aux mourants plutôt que de les abandonner. En conséquence, ils ont probablement sauvé d’innombrables vies.

Le sociologue et historien Rodney Stark a calculé que le taux de survie des chrétiens était beaucoup plus élevé que celui de la population en général parce que les chrétiens prenaient soin les uns des autres. Le simple fait de fournir de la nourriture et de l’eau à ceux qui étaient trop faibles pour surmonter la maladie aurait considérablement augmenté les taux de survie. De plus, les chrétiens avaient déjà développé une pratique régulière consistant à prendre soin non seulement de leur propre peuple, mais de tous ceux qui en avaient besoin.

Dans une lettre pastorale émouvante, Dionysies d’Alexandrie a fait l’éloge de ceux qui soignaient les malades :

La plupart de nos frères et sœurs chrétiens ont fait preuve d’un amour et d’une loyauté sans bornes, ne s’épargnant jamais et ne pensant qu’aux uns et aux autres. Insouciants du danger, ils prirent en charge les malades, s’occupèrent de tous leurs besoins et les servirent en Christ, et avec eux ils quittèrent cette vie sereinement et heureux ; car ils étaient infectés par d’autres avec la maladie, attirant sur eux la maladie de leurs voisins et acceptant joyeusement leurs douleurs. Beaucoup, en soignant et en soignant les autres, se sont transférés leur mort et sont morts à leur place.

Selon les historiens cette compassion sacrificielle était un facteur majeur de la croissance de l’église : après chaque vague de maladie contagieuse, le pourcentage de chrétiens avait augmenté, parce que le nombre de morts parmi eux était beaucoup plus bas que parmi la population environnante, et parce que des païens, interpellés par cette action, étaient devenus chrétiens4.

Hospitalité + soins = hôpital

Au 4ème siècle, le père de l’Église Basile de Cappadoce a créé une institution d’hospitalité, visant à prendre en charge les sans-abris, les malades et surtout ceux qui étaient mourants. Cet exemple a été rapidement suivi partout dans le monde chrétien, c’est-à-dire l’Europe. Ces institutions sont devenues plus tard les hôpitaux que nous connaissons aujourd’hui.

Plus tard, les missionnaires qui ont répandu la foi chrétienne en dehors de l’Europe, ont fondé, non seulement des églises, mais aussi des écoles, et… des dispensaires et des hôpitaux qui se sont développés et qui existent toujours.

C’est justement parce que ces chrétiens avaient de l’espérance au-delà de cette vie, qu’ils ont trouvé la motivation de se sacrifier pour aider et soigner les malades et les mourants dans cette vie – car cela n’était pas sans risque. Ils pouvaient attraper les mêmes maladies, souvent mortelles.

La force de l’espérance

C’est là la force de l’espérance. Les réformateurs Luther et Calvin ont souligné qu’il est un devoir de charité chrétienne que de prendre soin de ceux qui souffrent de la peste, en dépit du risque d’être contaminé par eux. Ils ont fait valoir que les croyants peuvent prendre ce risque, car ils n’ont pas à craindre la mort et ils ont l’espérance de la vie éternelle.

C’est un thème récurrent dans les écrits d’autres dirigeants de l’Église, tout au long des siècles. Notamment, mais pas uniquement, en période d’épidémie.

Cette histoire d’aide chrétienne sacrificielle peut nous inspirer aujourd’hui. Elle peut encourager le personnel médical chrétien dans leur service.

Elle peut nous encourager, en tant qu’églises, à chercher des moyens de tendre la main aux malades et aux personnes isolées, malgré les mesures restrictives, et de rompre leur solitude. Aujourd’hui beaucoup de gens souffrent du manque de contact personnel, et les mesures sanitaires de distanciation physique ne font qu’enfoncer les gens dans leur solitude.

Dans la pandémie qui court, tout le monde se rend compte à quel point le contact personnel est précieux. C’est un facteur qui renforce la résilience de ceux qui souffrent, qui contribue même à leur survie physique.

Conclusion

Quand nous prenons conscience de notre mortalité, et que nous sommes approprié cette espérance, celle de la vie éternelle et de la glorification, la résurrection du corps, cette espérance devient notre force. Comme le dit l’apôtre Paul : « Aujourd’hui, nous attendons la rédemption de notre corps, car nous sommes sauvés, mais c’est en espérance » (Romains 8 : 23 – 24).

1 Matt McCullough, ‘Memento Mori: ce que cela signifie et pourquoi cela devrait vous intéresser.’ Article publié par The Gospel Coalition, 10 octobre 2018, https://www.thegospelcoalition.org/article/memento-mori/

2 Cité par Rodney Stark, op. cit. p. 114.

3 Cité par Rodney Stark, op. cit. p. 116.

4 Rodney Stark, op. cit. p. 117f.

 

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