Tous les ans au mois de juin, les infos parlent d’un sujet qui suscite un certain intérêt chez les Français. Il s’agit des épreuves du bac. Il y a toujours des commentaires à faire sur le bac, on mentionne par exemple le candidat le plus jeune de l’année, le candidat le plus âgé, le nombre d’élèves qui le passent, etc. Et l’une des infos souvent mentionnées concerne l’épreuve de philo, c’est elle qui inaugure le début du bac !
En pensant à cela, je me suis dit : pourquoi ne pas traiter une des questions de philo proposée cette année ? Pour cette prédication, j’ai choisi le sujet numéro 2 proposé pour le bac S 2018 (c’est la filière que j’ai passée). Voici la question : éprouver l’injustice, est-ce nécessaire pour savoir ce qui est juste ?
Je trouve que cette question est en lien avec notre foi chrétienne. La Bible parle beaucoup de justice et d’injustice. Mais avant de parler de ce que dit la Bible, il me semble intéressant de parler de Jean-Jacques Rousseau.
[1. L’injustice et la justice selon Rousseau]
En fait, Rousseau a développé sa notion de justice surtout après avoir éprouvé de l’injustice, c’est ce qui ressort de son autobiographie (Les confessions). Ce que je trouve encore plus intéressant chez lui, c’est que sa pensée représente assez bien la pensée des lumières, celles des philosophes du XVIIIe siècle. Les mêmes idées ont aussi été reprises lors de la Révolution française en 1789 et elles ont une influence encore aujourd’hui dans notre culture.
On croit souvent que l’on pense de manière libre, mais notre vécu, notre culture et notre histoire participent à l’élaboration de notre pensée. Après avoir éprouvé l’injustice, Rousseau s’est dit que la justice consiste avant tout à contribuer au bien commun. Pour lui, la justice commence par la liberté et par l’égalité de chaque individu. Liberté et égalité, ça ne vous dit pas quelque chose ? Il ne manque plus que la fraternité pour compléter la devise de la France.
Ces notions de liberté et d’égalité font l’objet du premier article de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen. C’est aussi le premier article de la Déclaration universelle des droits de l’homme dont voici un extrait : « Tous les êtres humains naissent libres et égaux en dignité et en droits. »
Pour Jean-Jacques Rousseau, l’injustice a commencé il y a longtemps, à partir du moment où des gens ont décidé de clôturer des terrains en disant aux autres : c’est ma propriété ! Ensuite les plus forts ont fait des lois pour protéger leurs propriétés, les biens qu’ils se sont acquis, ils ont imposé leurs lois aux plus faibles.
Selon ce philosophe, les êtres humains naissent foncièrement bons, mais la société les corrompt. Et cette société est corrompue à cause du principe de propriété. Pour lui, la terre devrait appartenir à tout le monde et les fruits d’un arbre devraient aussi être à tout le monde. Comment fonder une société juste selon lui ?
Il faudrait que tous les citoyens d’une société soient libres et égaux, et qu’ils se concertent pour décider ensemble de ce qui est juste pour l’intérêt du bien commun. Les gens ne seront jamais tous d’accord, mais il faut tenir compte de la majorité. Et la minorité devrait se soumettre quand même, car c’est pour le bien commun. Il faudrait donc se sacrifier pour le bien commun, pour la majorité.
Voilà donc quelques idées de Rousseau, si j’ai bien compris sa pensée. En tout cas, cette idée de Rousseau et des lumières est encore très présente aujourd’hui. Dans le programme de français des classes de premières professionnelles, les élèves étudient les philosophes des lumières et leur combat contre l’injustice. Voici ce que j’ai pu trouver dans un document de l’éducation nationale de 2010, à destination des professeurs de lycée (ci-dessous un extrait) :
« (…) Une action juste dépend donc de la valeur qu’une société attache à la recherche de l’épanouissement humain, à l’élimination de la pauvreté ou au droit de jouir de son travail. Une action ne peut être universellement acceptée comme juste et la démocratie permet, à partir de l’exercice de la raison publique, de choisir entre différentes conceptions du juste selon les priorités du moment et les facultés de chacun. »
En résumé, la notion de justice varierait en fonction des époques, c’est la démocratie du moment qui permet que l’on puisse définir ensemble ce qui est juste.Cela ressemble beaucoup aux idées de Rousseau et de la Révolution française. Nous allons revenir sur ces idées dans quelques instants, en comparant cela avec la notion de justice dans la Bible.
En attendant, revenons à notre sujet de dissertation : éprouver l’injustice est-il nécessaire pour savoir ce qui est juste ?
[2. L’injustice et la justice dans notre conscience]
Qui ne s’est jamais exclamé en disant : « ce n’est pas juste ! »? Lorsque l’on s’estime être victime d’une injustice, c’est que l’on a une idée de ce qui est juste ou pas, sinon ne nous pourrions pas dire : « ce n’est pas juste ».
On peut donc commencer par dire que le fait d’éprouver l’injustice nous fait d’autant plus prendre conscience qu’il y a une distinction entre justice et injustice. Mais le sentiment d’injustice nous conduit-il vraiment à la connaissance de la justice ?
On peut remarquer que si notre idée de la justice vient de notre vécu, alors ce sera une notion subjective, personnelle : j’ai le sentiment de vivre une injustice, alors j’ai une idée de ce qui est juste ou pas. Mais l’expérience peut être différente selon les individus, selon les époques et selon les cultures.
Pour revenir aux idées de Rousseau, si c’est la majorité qui décide de ce qui est juste, alors la notion de justice variera en fonction des époques et des cultures. Je trouve cette idée assez dangereuse, car l’histoire nous montre que la majorité a parfois fait des choix condamnables.
En Égypte, à l’époque de Moïse, la majorité ne voyait pas d’inconvénient à réduire les Hébreux à l’esclavage. Au XVIIe siècle et au XVIIIe siècle, la majorité des Occidentaux ne voyaient aucune injustice dans le fait de déraciner les Africains pour en faire des esclaves. Selon des sondages, dans les années 80, la majorité des Français trouvaient que la peine de mort était une juste sanction pour certains criminels.
Accepterions-nous de dire que puisque c’était la majorité et puisque c’était « pour le bien commun » des peuples concernés, les personnes de ces époques avaient une bonne vision de la justice ?
La plupart du temps et par la grâce de Dieu, l’être humain a une bonne intuition de ce qui est juste ou pas, mais il lui arrive de faire des erreurs, comme dans les cas que je viens de mentionner. Dès que la notion de justice dépend de l’appréciation humaine, il peut y avoir des erreurs, car l’être humain n’est pas parfait. Alors, comment parvenir à la bonne justice ?
[3. L’injustice et la justice selon la Bible]
Selon la Bible, la notion de justice nous est parfaitement révélée par celui qui a mis en nous l’idée du juste et de l’injuste. Comme nous venons de le soulever, l’être humain, dans la majorité des cas, a une bonne intuition de ce qui est juste. Une grande partie de la loi française contient de bonnes choses pour notre société. Par exemple, la loi condamne le vol, le crime et le trafic de drogue. Mais selon la Bible, nous ne pouvons connaître la justice parfaite que par la révélation de Dieu.
Depuis le début, nous parlons de l’injustice subie et de la justice à instaurer. Mais la Bible nous parle avant tout de l’injustice que nous commettons ! Et si l’on commençait par s’occuper de l’injustice qui se trouve dans notre propre cœur ?
L’apôtre Paul enseigne que Dieu a fait connaître sa juste loi pour que nous nous rendions compte que nous sommes incapables de l’accomplir. Autrement dit : ce n’est pas en éprouvant l’injustice que nous connaitrons la justice, mais c’est en connaissant la justice que nous reconnaîtrons notre injustice.
Romains 7.7 : « Je n’ai connu le péché que par l’intermédiaire de la loi. En effet, je n’aurais pas su ce qu’est la convoitise si la loi n’avait pas dit: tu ne convoiteras pas. »
Il dit encore en Galates 3.24 : Ainsi la loi a été le guide chargé de nous conduire à Christ afin que nous soyons déclarés justes sur la base de la foi.
En résumé, la révélation de la loi de Dieu nous fait prendre conscience que nous ne pouvons pas être justes par nos propres efforts, nous avons besoin que Jésus nous rende justes.
Ces quelques paroles peuvent vous paraître un peu décourageantes sur la nature humaine. Dire que l’être humain fait des erreurs et qu’il est injuste, n’est-ce pas de l’obscurantisme religieux ? N’est-ce pas mettre trop d’accent sur les défauts de l’humain ? La religion chrétienne serait-elle une religion culpabilisante ?
La plupart des gens autour de nous, chrétiens ou pas, ne vivent-ils pas paisiblement dans la cité ? Ne font-ils pas leur possible pour apporter le bien autour d’eux ? Ne sont-ils pas honnêtes ? Ne payent-ils pas leurs impôts ?
La ville où j’habite actuellement (Nîmes) est remplie d’associations d’entraide, les gens de l’église sont très investis pour le service des uns et des autres. Beaucoup de membres contribuent généreusement aux finances de l’Église et font des dons à des missions humanitaires. Pourquoi le christianisme continue d’avoir ce discours sur l’injustice dans le cœur humain ? Nous faisons pourtant de belles actions.
Jésus a raconté une parabole en réponse à ce discours. C’est dans l’Évangile selon Luc, chapitre 18, versets 9 à 14 :
9 Il dit encore cette parabole, à l’intention de certaines personnes qui étaient convaincues d’être justes et qui méprisaient les autres:
10 «Deux hommes montèrent au temple pour prier; l’un était un pharisien, l’autre un collecteur d’impôts.
11 Le pharisien, debout, faisait cette prière en lui-même: ‘O Dieu, je te remercie de ce que je ne suis pas comme les autres hommes, qui sont voleurs, injustes, adultères, ou même comme ce collecteur d’impôts.
12 Je jeûne deux fois par semaine et je donne la dîme de tous mes revenus.’
13 Le collecteur d’impôts, lui, se tenait à distance et n’osait même pas lever les yeux au ciel, mais il se frappait la poitrine en disant: ‘O Dieu, aie pitié de moi, qui suis un pécheur.’
14 Je vous le dis, lorsque ce dernier descendit chez lui, il était considéré comme juste, mais pas le pharisien. En effet, toute personne qui s’élève sera abaissée, et celle qui s’abaisse sera élevée.»
Pour expliquer cette parabole, voici une autre parabole (non biblique), je terminerai là-dessus :
À l’entrée du ciel. Arrive un homme bien sous tous rapports. Il sonne à la porte. Quelqu’un se présente et dit, « Que puis-je pour vous ? »
Et l’homme dit, « Je voudrai entrer au ciel. »
Un être céleste lui dit, « C’est très bien. Nous aurons de la joie à vous avoir. Nous voulons toujours plus de gens au ciel. »
L’être céleste lui dit, « Pour entrer au ciel il faut gagner 1000 points. »
L’homme répondit, « Ce ne sera pas un problème. J’ai été un homme bon toute ma vie. Je me suis toujours impliqué dans l’aide apportée au prochain. J’ai souvent donné beaucoup d’argent aux œuvres charitables. »
L’être céleste lui dit, « Vous avez là un bon dossier. Cela vaut UN POINT. »
Étonné, l’homme a ajouté, « J’ai été marié pendant 45 ans. J’ai toujours été fidèle. Nous avons eu 5 enfants, 3 garçons et 2 filles. Je les ai toujours aimés et passé beaucoup de temps avec eux et j’ai veillé à ce qu’ils aient une bonne éducation. Je me suis toujours occupé d’eux et ils ont réussi. Je suis un homme de la famille. »
L’être céleste dit, « Je suis impressionné. Nous ne recevons pas toujours des gens comme vous. CELA VAUT UN AUTRE POINT ! »
Se mettant à transpirer abondamment, l’homme se mit à trembler. « Vous ne comprenez pas. J’ai été actif dans mon église. J’y suis allé chaque dimanche. J’ai donné de l’argent à chaque fois qu’ils passaient avec la corbeille. J’ai été diacre et ancien. J’ai enseigné à l’école du dimanche pendant 20 ans. »
Et l’être céleste lui dit, « Vous avez certainement un dossier admirable. CELA VOUS FAIT UN AUTRE POINT. » « Un point plus les deux que vous aviez déjà, ça vous fait TROIS. Il ne vous reste plus que 997. »
Tremblant, l’homme tomba sur ses genoux. Désespéré il cria, « À moins que ce ne soit PAR LA GRÂCE DE DIEU, personne ne pourra y entrer ! » L’être céleste le regarda et sourit, « Félicitations ! Vous avez atteint les 1000 points. »
(Illustration de John Warwick Montgomery dans un de ses livres.)
[Conclusion]
Ce que ces paraboles veulent nous faire comprendre, c’est que devant la sainteté de Dieu, c’est là que nous prenons conscience de ce qu’est la justice. Et l’être humain est loin d’être aussi juste, il est loin des « 1000 points », mais Jésus a vécu une vie entièrement juste et il s’est proposé de représenter l’humanité devant Dieu. Ainsi, par sa grâce, Dieu nous déclare juste et il nous appelle à vivre toujours plus selon sa justice.