Prédicateur : Christian Pradel
Date : dimanche 12 janvier 2020 Références : HABACUC 1 : 1 - 4
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1ère Partie
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INTRODUCTION
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Problème de l’histoire
Cf « De l’angoisse à la Foi» de D. Martyn Lloyd-Jone
« …Habacuc… » de Carl-A Keller
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Pourquoi lisons-nous donc la Parole de Dieu ? Parce qu’elle est ce qu’elle prétend être : la «Parole» de «Dieu». Nous voulons connaître ce que Dieu veut nous communiquer.
Actuellement nos hommes politiques écrivent des livres ; en les lisant, vous comprendrez ce qu’ils pensent et serez a même de mieux juger leur manière de penser. Ils vous parleront de leur vision de la vie et la façon dont ils l’envisagent d’un point de vue social et politique.
Ils vont interpeller l’individu afin de leur faire saisir les enjeux auxquels notre société est confrontée, face aux différents conflits et problèmes, et leur proposer des méthodes ou procédés qu’ils souhaiteraient utiliser pour apporter des solutions à ce que nous vivons.
Ils ont compris que l’écrit est important pour faire passer un message et être compris.
Dieu, dans sa sagesse, nous a donné son écrit afin que nous comprenions ce qu’il veut faire de nos vies mais aussi de notre monde, de notre planète. Il nous l’a donné afin que nous comprenions aussi de ce qu’il attend de nous.
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Beaucoup parmi nous pensent que l’unique raison d’être de la Bible est notre relation personnelle avec Dieu. C’est évidemment un de ces thèmes principaux, et nous pouvons remercier le Seigneur pour le Salut qu’il nous a révélé et donné, sans lequel nous étions condamnés au désespoir éternel.
Mais ce n’est pas le seul thème de la Bible. La Parole de Dieu place la question du salut personnel dans un contexte plus vaste. En fin de compte, le message principal de la Bible parle de la condition du monde entier et de son destin ; vous et moi constituons une partie de cet ensemble, en tant qu’individu. C’est la raison pour laquelle la Bible commence par la création du monde plutôt que celle de l’homme.
Dieu peut être vu comme ces hommes politiques : il s’occupe de nous personnellement mais il a aussi de la sollicitude en ce qui concerne la marche de notre planète. Les deux vont ensemble ; nous avons tendance à oublier le second en faveur du premier.
Ainsi, Dieu nous apprend par les Saintes-Ecritures que l’histoire n’est pas une succession d’événements sans lien ou sans sens. La Bible a une vision mondiale particulière et il n’est pas étonnant que la condition actuelle de notre monde nous plonge dans le désespoir si nous ne comprenons pas la Bible sur ce plan.
La Bible nous permet de comprendre ce qui arrive aujourd’hui et de voir que tout événement historique trouve sa place dans le programme divin.
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L’angoisse suscitée par les événements
Pourquoi vous dis-je ceci ?
Parce que le livre du prophète Habacuc illustre bien ce point de vue. Le prophète traite du problème de l’histoire d’une manière particulièrement intéressante.
Son livre présente la réflexion et les inquiétudes d’un homme : il s’agit du prophète lui-même, de sa propre expérience. Nous avons un individu perplexe et troublé par les événements qu’il vivait.
De la même manière, nous pouvons, nous aussi, être troublés par les événements que nous vivons ; ils peuvent être différents de ceux de l’époque d’Habacuc mais la réaction du prophète et les réponses de Dieu nous montrent combien ce livre nous concerne et va nous apporter des réponses précises à notre situation.
Le grand problème qui est soulevé ici est le suivant : le prophète cherchait à réconcilier ce qu’il observait avec ce qu’il croyait. Dans d’autres passages de la Bible, nous retrouvons cette approche semblable (Ps 73). Jésus aussi nous livre sa propre conception de l’histoire en présentant indirectement ou directement le rôle du passé et de l’avenir (Mat 5 : 17-18 ; Luc 4 : 18 à 21 ; Mat 21 : 1 à 5 ; Mat 24 ; Luc 24: 25 à 31; Ap 1: 17 à 19…etc…).
Mes amis, nous vivons des choses personnelles et sommes touchés par des événements plus ou moins graves. Le chômage nous affecte, la maladie aussi. Vous vous demandez pour quelle raison votre situation ne change pas, pourquoi Dieu n’intervient pas. Pourquoi ne répond-t-il pas à vos prières alors que l’objet de vos prières est légitime ? Pourquoi ce silence de la part de Dieu ?
Vous avez perdu un être cher ou bien il est parti loin de vous ; vous priez pour lui et aucune réponse. Pourquoi laisse-t-il des hommes de pouvoir influents orienter les décisions contre la loi de Dieu, contre la saine raison, la liberté, la paix ? Pourquoi laisse-t-il faire les persécutions injustes ? Pourquoi fait-il réussir des prétendus hommes de Dieu (Pasteurs ou autres) qui vivent contre les enseignements de l’évangile ? Etc.
Vous vous sentez submergés par tant de déceptions ; vous avez la nette impression que Dieu ne fait pas attention à vous, même si par moments vous vous reprenez et dite qu’il a la situation en main, n’est-ce-pas ?
La situation d’Habacuc est du même genre : Qu’est-ce qui le préoccupait tant pour épancher son coeur vers Dieu de cette manière ?
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Situation personnelle du Prophètes (Ch 1 : 1 à 4)
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Généralité sur le livre : Qui, Quand ?
Tout d’abord, je voudrais vous situer face à ce livre. Il a été écrit par Habacuc (L’unité littéraire et le thème abordé d’une façon très personnelle penchent vers cette affirmation). Les psaumes bibliques comme les psaumes mésopotamiens sont presque toujours des prières personnelles et non la représentation d’une communauté par l’identité individuelle, le «je» représenterait la communauté). On le situe à l’époque du 7ème siècle avant J.C. (vers la fin 602-601 ou 645-643 à l’époque de Manassé) mais rien n’est certain ; ce sont plutôt des déductions tirées du texte car Habacuc ne nous a pas laissé beaucoup d’indices à ce sujet.
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Analysons la prière d’Habacuc v2 à 4
Lisons les versets 1 à 4
1 Proclamation dont Habacuc, le prophète, a reçu la révélation.
2 Jusques à quand, ô Eternel, appellerai-je à l’aide sans que tu ne m’entendes ?
Jusques à quand devrai-je crier vers toi au sujet de la violence sans que tu sauves ?
3 Pourquoi me fais-tu voir de telles injustices ?
Comment peux-tu te contenter d’observer les méfaits |qui se commettent ?
Je ne vois devant moi que ravage et violence, il y a des querelles, et des conflits surgissent.
4 A cause de cela, on ne respecte plus la loi, et le droit ne triomphe pas.
Car les méchants empêchent les justes d’agir, les jugements qui sont rendus sont corrompus.
La structure de sa prière est simple mais impressionnante. Il y a 3 parties :
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Dans la première (verset 2), le prophète demande à Dieu de l’écouter et de défendre sa cause.
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Dans la seconde (verset 3), il se dit victime de toutes sortes de machinations diaboliques (l’iniquité et l’injustice). C’est ce qu’il voit autour de lui.
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Dans la troisième partie (verset 4), il constate de manière générale que l’administration du droit laisse de plus en plus à désirer.
Il commence par un cri d’alarme personnel pour déboucher, à travers l’évocation de sa misère, sur une appréciation globale de la situation.
Allez !… Je vous propose un petit récapitulatif d’Habacuc en bande dessinée de 1,25 mn avant de continuer.
Verset 2 : c’est une complainte d’Habacuc ; il est prophète, et le prophète s’exprimait très souvent ainsi mais animé d’une vraie souffrance.
Le prophète crie « au secours » mais sans réponse. Il crie « violence » mais pas de protection.
Il y a ici un parallélisme : appeler au secours et crier violence ; ceci est très conforme au style sémitique. En ce qui concerne la Bible et, plus largement, le monde sémitique, la manière de s’exprimer, oralement ou par écrit, est fort différente de celle du monde gréco-latin.
C’est à Robert Lowth (1753) qu’on attribue la découverte du parallélisme des membres. En bref, il distingue trois sortes de parallélismes, dont un correspond à notre verset, le parallélisme antithétique. Voici un exemple :
« Les blessures de l’ami sont fidèles, mais les baisers de l’ennemi sont trompeurs » (Pr 27,6)
Concernant notre verset, on peut aussi traduire « Je crie à cause de la violence », mais tenir compte du parallélisme me semble plus judicieux. Ce parallélisme est une forme poétique. Son utilisation cherche à exprimer avec intensité une pensée, un sentiment, une intention.
« Je crie au secours ! » … Rien ne se passe. Alors « Je crie, Violence ! » … Rien ne se passe non plus. Il s’agit d’amplifier par écrit, par une complainte, le sentiment de son cœur.
Cette plainte représente aussi celle des fidèles qui souffrent de l’oppression des méchants.
Verset 3 : Après avoir protesté contre le silence de Dieu, le prophète dénonce son inactivité, son laisser-aller : pourquoi permet-il au droit de s’écrouler ?
Le prophète accumule les termes pour l’injustice, concernant l’injustice.
Le premier terme veut dire puissance maléfique, c’est à dire une intention criminelle ;
Le second désigne la peine, le dur labeur, mais surtout dans une complainte comme celle-ci, les intrigues et les calomnies, les manœuvres dirigées contre une victime impuissante ;
L’un comme l’autre le prophète les voit et les contemple (un autre parallélisme : tu me montres – en sorte que je contemple, tu me fais contempler).
Le troisième terme évoque la ruine, la dévastation dans le sens de désordre moral et une communauté désunie, désintégrée ;
Le quatrième terme décrit la violence en terme contraire de « droit», c’est à dire des mensonges, des menées criminelles et des sévices (on le retrouve 6 fois chez Habacuc) ;
Enfin, les deux derniers termes parient de procès et de querelle.
Les six termes sont groupés deux par deux. Les verbes montrent bien qu’Habacuc souffre personnellement.
Il est obligé de voir les choses et de les contempler, il connaît les machinations des adversaires ; il affronte l’effondrement du droit et supporte les procès et querelles.
Ces choses décrites représentent bien notre monde actuel, qu’elles soient dans le monde politique, dans le monde des affaires ou dans notre voisinage et famille, n’est-ce pas ?
Pourquoi Dieu n’agit-il pas ?
A cause de son silence et à la suite de son inactivité, le droit n’est plus correctement administré et les jugements ne sont plus rendus. La loi est paralysée.
Quand il y a jugement, il se trouve que ces jugements sont tordus ou faux. Les criminels l’emportent sur les innocents.
Les méchants les encerclent, les entourent afin de les supprimer : c’est le sens du mot triompher en hébreu. La racine exprime l’idée de former un cercle : litt « Le criminel circonvie l’innocent ». Il l’entoure, il l’encercle.
L’administration du droit est devenue une farce ; c’est le sens de « on rend des jugements iniques ».
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Les raisons de la perplexité d’Habacuc
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Ainsi le prophète était conscient de la rébellion d’Israël. La nation s’était détournée de Dieu et l’avait oublié. Elle s’était tournée vers d’autres dieux et des pratiques indignes. Dieu avait déjà suscité des prophètes pour les avertir, mais ils n’étaient pas écoutés et souffraient le rejet et les moqueries pour finir très souvent leur vie exécutée. Le passé de cette nation était déjà bien chargé.
Il n’est pas surprenant que le prophète s’exclame, l’esprit très troublé « Jusqu’à quand, ô
Eternel … j’ai crié, et tu n’écoutes pas… » versets 2 à 4.
Lorsque nous lisons ces versets, nous pouvons remarquer qu’il n’y a pas une grande différence avec le temps que nous vivons. Je ne vous apprends rien.
Mais j’ai une question :
Est-ce que la situation sociale et mondiale qui est la nôtre nous déchire le cœur ? Est-ce que nous crions à Dieu pour qu’il intervienne contre le vice, la violence, l’immoralité ?
Est-ce que nous en sommes réellement affectés ? Avons-nous considéré ces faits comme faisant partie de notre quotidien au point de s’en faire une raison : ils ne sont de toute façon que la conséquence du péché dans le monde ?
Croyez-vous que le coeur de Dieu ne saigne plus à la vue de ces choses qu’il considère lui-même comme étant de la pourriture et qu’il qualifie d’atrocités ? Je vous le dis, il saigne, car le sang de Christ est le sang qui a été versé et qui condamne ces choses. Le sang de Christ est le cri de justice de Dieu qui juge ces abominations et les dénoncent encore. Ce sang versé a une valeur éternelle. Le Christ a voulu être jugé à la place de l’humanité à cause de ces pratiques, à cause de notre attachement au mal ; alors ne croyons pas que Dieu soit moins intransigeant et plus laxiste à l’égard de ces choses. Il a ouvert, par le messie Jésus, la route du pardon et de la réconciliation avec Dieu mais pas le chemin du vice ou de la violence ou de l’égoïsme. Les voies de l’incroyance et de l’autosuffisance ne lui plaisent pas du tout.
Le prophète se sent concerné face aux événements qu’il voit défiler devant lui. Mais il a une chose qu’il ne comprend pas : Pourquoi Dieu permettait-il de telles choses et une telle décadence de la part d’un pays qui se réclame de lui et qui le nomme souvent ?
Il avait prié à ce sujet, mais Dieu ne semblait pas répondre ; au contraire cela allait de pire en pire, d’où sa perplexité, exprimée dans les termes du verset 2.
Lorsque nous partageons la bonne nouvelle de l’Evangile, ce sont souvent les non chrétiens qui nous posent cette question. Je ne pense pas que tous sont autant préoccupés qu’Habacuc ne l’était, mais cela soulève bien le problème : comment concilier la justice de Dieu et sa toute puissance et l’inévitable constatation que le monde souffre et vie des situations contraire à ce que Dieu prétend être et pouvoir faire. Pourquoi la souffrance ? la maladie ? l’innocent condamné ? les sévices et catastrophes naturels ?
On lance très souvent ce genre de questions lorsqu’un chrétien en toute bonne foi annonce et proclame l’existence de Dieu qui veut être notre Seigneur et notre ami. Elles sont justes. Mais elles prennent véritablement de leur sens, elles ont un réel impact, que lorsqu’elles proviennent de situations qui nous touchent personnellement. Combien sont ceux qui posent cette question pour essayer de ne pas trop se mouiller face à la question de Dieu ; ils oublient très facilement après la réalité de ce problème.
Cependant, les réponses que l’on attend à ces questions ont une importance capitale lorsqu’elles deviennent une réalité vécue pour nous.
Et là, nous pouvons être comme Habacuc : Pourquoi Seigneur n’agis-tu pas ? N’interviens-tu pas ?
Le problème de l’existence ou de la non-existence de Dieu n’aide pas du tout à résoudre ce genre de questions, il le complique.
Habacuc est un croyant, il est même un prophète consacré à Dieu. Il ne doute pas de son existence mais ne comprend pas son silence.
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Sommes-nous perplexes ? En quoi ces versets nous concernent-ils ? Que veut nous dire Dieu ?
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Mes amis, vous êtes peut-être sensible à l’image terrible que notre monde nous fait voir, sinon il est certain que l’indifférence à cela est le signe que le monde a gagné une partie de votre coeur, que votre coeur n’est pas suffisamment mis à part pour considérer ce qui touche à la sensibilité de Dieu et du Christ. Je dis bien, c’est un signe. Vous devez considérer attentivement votre coeur pour qu’il ne soit pas dominé par le système du monde et qu’il ne devienne pas insensible. Si vous voulez vivre près de Dieu, vous serez inévitablement touchés et sensibilisés par l’injustice, c’est à dire ce que Dieu considère comme injuste.
« Mon fils, donne-moi ton coeur, et que tes yeux se plaisent dans mes voies. » Pr 23 : 26
Voir la suite du passage qui montre en partie les conséquences pratiques que cela engendre si nous ne donnons pas notre coeur à Dieu : L’adultère, la débauche, l’ivrognerie, la méchanceté.
Lire Pr 23 : 17 à 18 et Pr 4 : 23
De plus, nous ne comprendrons pas les intentions de Dieu en ce qui concerne la vie de notre monde, si nous sommes éloignés de Lui. Qui pourra donc intercéder en faveur des incroyants ? Nous ne pourrons même pas collaborer avec Dieu. Nous serons semblables à ce sel jeté au sol et piétiné par les passants ; il n’a plus ni goût ni saveur.
Vous êtes, par contre, intrigués par le silence de Dieu. Dieu ne répond pas. Si vous voyez l’iniquité, Dieu, lui, la contemple (Verset 3). Et Il la fait contempler à son serviteur.
Comment peut-il supporter cela, lui qui est Saint, alors que moi qui suis imparfait, je ne le supporte déjà pas ?
Ce livre pose ce problème et va y répondre mais il va falloir trois chapitres pour comprendre l’esprit de Dieu face à cela et la manière dont nous pouvons le vivre.
La réponse ne tient pas en une phrase ni en une formule doctrinale toute faite ; ainsi il nous faut être patient et chercher Dieu devant les situations auxquelles nous devons faire face et qui nous interpellent devant Dieu.