Prédicateur : Evert Van de Poll
Date : dimanche 6 novembre 2022 Références : Genèse 25 à 27 (Cliquer ici pour lire le texte)
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Introduction
Ce matin nous allons revisiter une des histoires bibliques les plus connues, mais aussi une des histoires les plus énigmatiques dont on tire parfois des conclusions étranges et aberrantes.
C’est l’histoire de Jacob et Ésaü, ou d’Ésaü et Jacob, deux frères jumeaux, qui se disputent la bénédiction de leur père Isaac.
Elle nous est racontée en Genèse 25 et 27.
Au premier degré, c’est une histoire familiale, d’une dont on pourrait faire un beau film.
Cette famille-là est dysfonctionnelle. Le couple, Isaac et Rébecca, a deux enfants, et ils montrent tous les deux leur préférence claire et nette pour l’un des enfants. « Isaac aimait Ésaü, parce qu’il appréciait le gibier ; Rébecca, elle, aimait Jacob » (Genèse 25.28).
Nous savons à quel point le favoritisme des parents est néfaste pour l’enfant favori, et pour les autres qui se sentent rejetés, mal aimés.
L’avenir du peuple et le dessein de Dieu
Mais ce qui se joue ici, c’est beaucoup plus qu’une affaire familiale. C’est la réalisation du dessein de Dieu pour le peuple élu et pour le salut du monde entier
Nous sommes dans le grand récit de la Genèse qui relate la création d’un peuple particulier, qui sera porteur de la bénédiction de Dieu pour tous les peuples du monde, pour l’humanité entière, afin de la sauver des conséquences du mal et du péché.
En fait, il a spécialement créé ce peuple, car il n’existait pas au départ.
Il l’a créé en appelant Abraham de quitter son pays natal et d’aller vers un pays que Dieu lui montrerait.
Il l’a créé en donnant à Abraham et sa femme Sara, pourtant stérile, contre toute vraisemblance humaine : Isaac. C’est lui de deuxième patriarche du peuple élu.
Dieu a conclu une alliance éternelle avec Abraham. Toi et ta descendance seront mon peuple, je serai leur Dieu, et je leur donnerai un pays, la terre promise de Canaan.
Il a renouvelé l’alliance avec Isaac.
La femme d’Isaac, Rébecca, est stérile, elle aussi. Mais Isaac intercède auprès de l’Éternel pour sa femme et après vingt ans de mariage, elle tombe enceinte.
Qui sera le plus apte de porter la responsabilité de l’alliance ?
Mais alors, quelque chose d’étrange se produit dans son sein.
Genèse 25.22 Les enfants se heurtaient en elle.
Elle est enceinte de deux enfants. Alors, elle est bouleversée.
Genèse 25.22 Rébecca dit : Pourquoi cela m’arrive-t-il ?
Nous avons prié le Seigneur pour un héritier d’Isaac, afin qu’il puisse transmettre l’héritage et la bénédiction d’Abraham et d’Isaac à sa descendance, et que le peuple élu de Dieu soit constitué.
Mais maintenant, je porte en moi deux enfants.
Elle en parle à son mari, je m’imagine, et ils se sont demandé ; qui des deux sera capable de porter la responsabilité de l’alliance, et de transmettre l’héritage de ses grands-parents et de ses parents au futur peuple de Dieu ? L’enfant qui naît le premier, ou l’autre ?
Genèse 25.22 Alors, Rébecca alla consulter le Seigneur.
23 Le Seigneur lui dit :
Deux nations sont dans ton ventre,
Deux peuples se sépareront au sortir de ton sein ;
Un de ces peuples sera plus fort que l’autre,
Et le grand servira le petit.
Dieu a prédéterminé le choix
Nous ne savons pas qui lui a donné cette prophétie, mais nous savons que ce fut une parole du l’Éternel. C’est Dieu l’Éternel qui détermine le choix.
Isaac et Rébecca n’ont pas à choisir entre les deux, pour savoir qui est le plus apte à porter la bénédiction, pour déterminer qui mérite le mieux l’héritage, pour décider qui sera le troisième père de la nation choisie par Dieu.
C’est l’Éternel lui-même qui fait le choix.
Il a prédéterminé que celui qui sort le premier sera le serviteur de l’autre.
Le dernier sera le premier – voilà un thème que vous trouvez partout dans la Bible, et notamment dans l’enseignement de Jésus. Les derniers seront les premiers.
Avant que les garçons soient nés, leur destination est déjà déterminée.
Jacob est l’élu. Il deviendra Israël, le père des douze tribus du peuple d’Israël. C’est à travers ce peuple que Dieu va réaliser son plan de salut.
Ésaü est destiné à être au service de son frère cadet. Il deviendra le père du peuple d’Édom, et ce peuple a vocation, je dirais le privilège même, de servir le peuple Israël, mais il est devenu son pire ennemi. Tout au long du temps de l’Ancien Testament il y aura des conflits. Un combat spirituel dont l’enjeu est, finalement, la survie du peuple élu.
C’est en Israël, le peuple de Jacob, que va naître le Messie, le Roi des Juifs, le Sauveur du monde.
Et là, c’est encore Édom qui va menacer sa survie ; à savoir Hérode, un lointain descendant d’Ésaü. Il portait le titre « Roi des Juifs ». Quand il entend que le vrai roi des Juifs vient de naître, il tente de l’assassiner en exterminant tous les bébés de la ville de Bethléem.
Nous connaissons la suite…
Commentaires des prophètes et des apôtres
L’histoire de Jacob et Ésaü a déterminé l’identité et l’avenir du peuple de Dieu, elle joue un rôle clé dans l’histoire du salut. Plus tard, elle sera évoquée par les prophètes Osée et Malachie, et dans le Nouveau Testament par l’apôtre Paul dans sa lettre aux Romains, et par l’auteur de la lettre aux Hébreux.
Romains 9 – deux citations
Écoutons ce que Paul dit à l’endroit d’Ésaü et de Jacob :
Romains 9.10 Bien plus, il en fut ainsi de Rébecca, qui conçut d’un seul homme, Isaac, notre père ; 11les enfants, en effet, n’étaient pas encore nés et ils n’avaient encore fait ni bien ni mal, et pourtant – afin que demeure le projet de Dieu qui est selon son choix, 12relevant, non pas des œuvres, mais de celui qui appelle – il fut dit à Rébecca : Le plus grand sera l’esclave du plus petit (Genèse 25.23),
13ainsi qu’il est écrit : J’ai aimé Jacob et j’ai détesté Ésaü (Malachie 1.2-3).
14 Que dirons-nous donc ? Y a-t-il en Dieu de l’injustice ? Jamais de la vie !
Il y a ici deux citations que l’on doit bien distinguer.
Le choix de Dieu – élection, pas pour le salut mais pour le service
La première citation vient de la Torah, Genèse 25.
Paul parle de la souveraineté de Dieu, en faisant le choix d’appeler certains à jouer un rôle clé dans son dessein. Il ne s’agit pas du salut des personnes, mais d’une élection pour servir le plan de Dieu.
Pour cela il a choisi Abraham, il a choisi Isaac et pas Ishmael, et il a choisi Jacob et pas Ésaü.
C’est une élection avant la naissance, pas basé sur un quelconque mérite, mais sur la seule grâce de Dieu.
Il est souverain dans ces choix. Ce n’est pas parce qu’Israël est élu, qu’il est meilleur que les autres. Dieu ne l’a pas choisi parce qu’il serait plus fort ou plus malin, comme on le dit souvent.
C’est une prédétermination, avant toutes choses.
Cette élection du peuple d’Israël tient toujours. L’Éternel ne l’a jamais révoquée.
L’élection de ce peuple peut irriter les autres peuples, nous aussi. Elle a irrité même beaucoup de chrétiens.
Voilà le fond de l’antisémitisme – on ne veut pas de ce peuple, car au fond, on ne veut pas de ce choix de l’Éternel pour le peuple juif.
Le jugement moral de Dieu par rapport aux choix des hommes
La seconde citation ne se trouve pas dans le récit de Genèse. Elle vient de la prophétie de Malachie. C’est un jugement moral sur le comportement et le style de vie de Jacob et d’Ésaü.
Ils ont tous les deux grandi dans le milieu de l’alliance de Dieu avec Abraham. Comment ont-ils répondu à la promesse et l’appel de Dieu ? Qu’est-ce qu’ils ont fait avec l’héritage spirituel de leurs parents et grands-parents ?
C’est là que l’on voit que les deux n’ont pas fait les mêmes choix. L’Éternel a détesté les choix de l’un, mais aimé les choix de l’autre.
Hébreux 12
La lettre aux Hébreux rappelle aux disciples de Jésus que nous sommes que nous devons nous positionner continuellement par rapport à l’héritage spirituel qui nous a été transmis. Nos choix ont une conséquence.
Hébreux 12.14 Poursuivez la paix avec tous, ainsi que la sanctification sans laquelle personne ne verra le Seigneur….
16Veillez à ce que personne ne se livre à la débauche (l’inconduite sexuelle) ou n’agisse en profanateur, comme Ésaü, qui pour un seul plat vendit son droit d’aînesse.
17Vous savez que, plus tard, quand il voulut hériter la bénédiction, il fut rejeté ; en effet, il ne trouva aucune possibilité de changement, bien qu’il l’ait recherché dans les larmes.
Donc, il y a dans l’histoire de Jacob et Ésaü deux lignes qu’il convient de bien distinguer.
D’une part, le choix de Dieu qui ne dépend pas de nos actes et de nos aptitudes – il ne choisit pas selon l’apparence des hommes et des femmes, mais il a choisi un peuple particulier pour être le canal de bénédiction pour tous les peuple – avant que ce peuple n’existe.
D’autre part, les choix que nous faisons par rapport à la parole de Dieu et ses commandements. La manière dont nous répondons à l’invitation de l’Évangile. Sur ce plan, l’Éternel Dieu nous juge selon notre foi et selon nos actes.
La lutte à la naissance
Revenons à l’histoire de Jacob et Ésaü/
A la naissance des deux jumeaux il y a comme une lutte. Qui sortira le premier ? Qui sera l’aîné, l’héritier, le plus important ?
Genèse 25.24 : Au terme de sa grossesse, il apparut qu’il y avait des jumeaux dans son ventre.
25Le premier sortit entièrement roux, comme un manteau de poil : on l’appela du nom d’Ésaü (« Poilu »).
26Après quoi sortit son frère, dont la main tenait le talon d’Ésaü ; et on l’appela du nom de Jacob (« Il talonne »).
Isaac avait soixante ans lorsqu’ils naquirent.
Humainement parlant, Ésaü avait gagné. Alors la question se pose : comment la promesse de Dieu va-t-il se réaliser ? Comment Jacob, le fils cadet, va-t-il devenir l’héritier ?
Abraham est encore en vie. Les garçons grandissent, la différence entre eux
Suspense pour Rébecca, et pour Isaac son mari.
Est-ce que Rébecca a parlé aux garçons de la prophétie qu’elle avait reçue juste avant sa naissance ?
Je ne le pense pas. Car leur comportement montre bien qu’ils ignoraient le choix de Dieu à leur endroit.
Pour l’instant c’est Ésaü qui semble être le gagnant, le prince héritier si l’on puisse dire.
Genèse 25.27 Les garçons grandirent. Ésaü devint un habile chasseur, un homme de la campagne ; mais Jacob était un homme tranquille, qui restait sous les tentes.
28 Isaac aimait Ésaü, parce qu’il appréciait le gibier ; Rébecca, elle, aimait Jacob.
Notons qu’Abraham est encore en vie quand les deux grandissent.
Ésaü ne s’intéresse pas à l’alliance avec Abraham et Isaac. Il ne pense pas à la promesse, ni à l’avenir du peuple de Dieu, ni à la bénédiction qu’il va apporter aux autres peuples. Les choses spirituelles n’ont pas d’importance pour lui.
Bien qu’il grandisse dans la famille choisie par l’Éternel, Ésaü va tourner le dos à l’Éternel.
Il va épouser deux femmes du pays, du peuple des Hittites. Et il va les suivre dans leur idolâtrie.
Il ne voit que la vie d’aujourd’hui. Il vit pour l’aventure, la chasse, les femmes, le plaisir charnel, et surtout la bonne chair.
Mangeons, buvons, car demain nous mourrons.
Ésaü pourrait bien faire figure emblématique de la façon de vivre de beaucoup de nos contemporains. On se concentre sur la vie terrestre, sur ici et maintenant, sans Dieu, sans perspective de vie éternelle.
Jacob, lui, est tout le contraire. Il s’intéresse beaucoup aux choses de l’Éternel, le Dieu de son père et de son grand-père. La Bible l’appelle un homme intègre, un homme droit et juste (Genèse 31.29).
Il s’occupe des troupeaux et des affaires domestiques, et il contemple les paroles de Dieu. Il essaie de vivre selon les préceptes du Dieu unique qui a appelé son grand-père et qui a élu son père.
Par contre, il faut tordre le cou à l’idée reçue que Jacob soit un « trompeur ».
Il est vrai que le nom Jacob vient du verbe yakav, talonner, tenir le talon, et que ce verbe peut signifier au sens figuré « usurper, prendre la place de quelqu’un, tromper », mais ni Dieu, ni Isaac ni Rébecca n’ont jamais dit que Jacob soit un trompeur.
C’est Ésaü qui va faire ce jeu de mots et lui désigner de la sorte, comme nous allons voir.
Un enseignement pour nous
Dans la tradition juive, on a beaucoup développé la différence entre Jacob et Ésaü. J’en passe.
C’est aussi un enseignement pour nous.
Comment vivons-nous au jour le jour ? Quels sont nos intérêts, nos préoccupations ? Est-ce que nous voulons vraiment faire partie du peuple de Dieu, par la foi ? Est-ce que nous voulons vivre selon l’alliance de Dieu, être utilisés dans ses desseins ? Est-ce que nous attendons la réalisation de ses promesses dans l’avenir ? Ou sommes-nous plutôt comme Ésaü ?
Qui, finalement, est notre Dieu ?
Luther disait : La chose qui détermine le plus votre vie, voilà l’objet de votre adoration, voilà votre Dieu.
Jacob achète le droit d’aînesse, de façon légitime il devient l’héritier
Quand Jacob et Ésaü ont 15 ans, leur grand-père Abraham meurt.
Quelques années plus tard leur destinée va prendre une tournure décisive.
Genèse 25.29 Un jour que Jacob faisait cuire une soupe, Ésaü revint de la campagne, épuisé.
30 Ésaü dit à Jacob : Laisse-moi, je te prie, manger de ce potage roux, – oui, ce potage roux ! – car je suis épuisé. C’est pourquoi on l’a appelé du nom d’Édom (« Roux »).
31 Jacob dit : Vends-moi d’abord ton droit d’aînesse !
32 Ésaü répondit : Je suis sur le point de mourir ; à quoi me sert ce droit d’aînesse ?
33 Alors Jacob dit : Jure-le-moi d’abord. Il le lui jura. Ainsi il vendit son droit d’aînesse à Jacob. 34 Alors Jacob donna à Ésaü du pain et de la soupe de lentilles. Il mangea et but, puis il se leva et s’en alla.
Ainsi Ésaü méprisa le droit d’aînesse.
Le droit d’aînesse était la bénédiction du fils aîné qui comprenait une double portion des biens, la direction de la famille, la responsabilité en tant que chef spirituel aussi.
Et dans la perspective de l’alliance de Dieu avec Abraham et Isaac, ce droit impliquait aussi que l’aîné devienne le père du peuple élu de Dieu, porteur de la bénédiction pour l’humanité entière.
Ésaü ne s’intéressait ni à la direction ni aux responsabilités spirituelles ou autres, seule la double portion l’intéresse mais comme il l’estime loin dans le futur, elle lui semble inutile alors il accepte la proposition de Jacob. Il l’échange le droit d’aînesse pour de la nourriture.
Et il confirme la transaction par un serment. C’est comme s’il passent devant le notaire.
L’affaire est conclue, elle est maintenant définitive. Juridiquement, c’est désormais Jacob l’aîné.
Alors, ont-ils mis au courant leurs parents ? Ou tout au moins à Isaac. Il devrait bien le savoir, non ?
Je ne le pense pas. Car dans la suite de l’histoire, Isaac et Rébecca semblent ignorer totalement le « deal » entre leurs deux enfants.
Les parents sont partagés – Rébecca est plus spirituelle que son mari
Les parents sont partagés. Isaac aimait Ésaü, parce qu’il appréciait le gibier ; Rébecca, elle, aimait Jacob (25.28).
Il ne s’agit pas simplement de préférences humaines.
Pensons à la prophétie que Rébecca a reçue. Elle et Isaac en ont parlé, sûrement. Tous les deux connaissaient le choix de Dieu.
Ils savent bien que Dieu détestait Ésaü pour son style de vie et que Dieu aimait l’attitude de Jacob.
Pourtant, Isaac se laisse entraîner par le côté humain. Il appréciait le gibier, que seul Ésaü pouvait lui apporter. Et il va tenter de contrecarrer le plan de Dieu et de faire de son fils préféré l’héritier de l’alliance de Dieu avec le peuple élu.
Rébecca, elle, est plus spirituelle que son mari. Elle garde le cap sur la promesse de Dieu. Et elle va monter un coup pour déjouer la tentative d’Isaac.
Rébecca va déjouer le plan d’Isaac, Jacob est complice
Nous faisons un grand saut dans la chronologie des évènements.
Nous voilà presque 60 ans plus tard.
Jacob et Ésaü ont 76 ans, Isaac a 136 ans, Rébecca un peu moins.
Isaac, son aveuglement et sa décision
Le texte dit :
Genèse 27.1 Isaac devenait vieux, ses yeux s’étaient affaiblis : il ne voyait plus.
Il s’agit là d’un aveuglement non seulement physique, une cataracte vraisemblablement que l’on ne savait pas encore enlever à l’époque. Isaac est aussi aveuglé spirituellement. Il ne voyait plus très bien le dessein de Dieu. Il ne regardait plus vers l’accomplissement de la prophétie donnée à Rébecca.
Sinon, il n’aurait jamais pris la décision suivante :
Genèse 27.1 Isaac appela Ésaü, son fils aîné : Mon fils ! Celui-ci lui répondit : Je suis là !
2 Il reprit : Je suis vieux, et je ne connais pas le jour de ma mort. 3 Maintenant, je te prie, prends tes armes, ton carquois et ton arc, sors dans la campagne et chasse du gibier pour moi. 4 Prépare-moi un plat appétissant comme je les aime, et apporte-le-moi pour que je le mange, afin que je te bénisse avant de mourir.
On se demande : comment Isaac a-t-il pu essayer de proclamer Ésaü l’héritier ? Donner la bénédiction parentale, ce fut un acte public, devant des témoins. Une démarche officielle pour désigner l’héritier et le désormais responsable spirituel de la famille, du clan, de la tribu. Celui qui doit conduire son peuple sur le chemin de l’alliance. La bénédiction parentale était sans aucun appel. Impossible d’y revenir.
Qui a commencé la tromperie ?
Apparemment, Isaac ignorait la transaction entre Jacob et Ésaü.
Et Ésaü, lui, n’en dit rien.
Il va jouer le jeu. Il sait bien qu’il n’a plus le droit d’aînesse, et que la bénédiction ne lui revient plus, mais il fait semblant qu’il est toujours l’héritier désigné.
Alors, qui est le trompeur dans cette histoire ? C’est bien Ésaü qui commence la tromperie.
La ruse de Rébecca
Quand Rébecca l’entend, elle se rend compte qu’Isaac était déterminé. Le texte hébreu est très particulier : « Mon nefesh, c’est-à-dire tout mon être veut te donner la bénédiction. »
Quand un vieil homme comme lui a quelque dans sa tête, impossible de lui faire changer d’avis.
Rébecca sait que c’est inutile de discuter avec lui sur ce sujet.
Donc elle va déjouer le plan de son mari par la ruse. Si Isaac peut compter sur la complicité d’Ésaü, elle va compter sur Jacob.
Genèse 27.8 Maintenant, mon fils, écoute-moi ; voici ce que je t’ordonne : 9 va me chercher deux bons chevreaux du troupeau, je te prie ; j’en ferai pour ton père un plat appétissant comme il les aime. 10 Tu l’apporteras à ton père pour qu’il le mange, afin qu’il te bénisse avant sa mort.
Jacob est trop intègre, trop droit pour jouer à ce jeu et de tromper son père. « Ce n’est pas une bénédiction, mais une malédiction que je ferai venir sur moi ! » (v.12).
Mais Rébecca de répondre : Que cette malédiction soit sur moi, mon fils ! Elle reconnaît que ce n’est pas juste mais elle ne voit pas d’autre possibilité d’éviter la bénédiction d’Ésaü. Elle assume, elle est prête à subir les conséquences.
Le plan est mis en exécution et quand Jacob s’approche d’Isaac en se faisant passer pour son frère, le vieil homme a un doute : « C’est la voix de Jacob, dit-il, mais ce sont les bras d’Ésaü (v.22).
Puis, il tombe dans le piège. Jacob le servit, et il mangea ; il lui apporta du vin, et il but. Puis, il l’embrassa. Isaac sentit l’odeur de ses vêtements ; puis il le bénit en ces termes :
Genèse 27.27 Oui, l’odeur de mon fils est comme l’odeur d’un champ que le Seigneur a béni.
28 Que Dieu te donne, de la rosée du ciel et des ressources de la terre,
abondance de blé et de vin !
29 Que des peuples te servent, que des nations se prosternent devant toi !
Sois le maître de tes frères, que les fils de ta mère se prosternent devant toi !
Maudit soit celui qui te maudit, béni soit celui qui te bénit !
La dernière phrase rappelle la bénédiction que l’Éternel avait donné à Abraham, et plus tard à Isaac.
Et c’est ainsi que Jacob a finalement obtenu la bénédiction à laquelle il avait droit – et par la parole de l’Éternel donnée à Rébecca et par l’affaire conclue avec son frère aîné.
Ésaü
Quand Ésaü arrive, c’est trop tard. Qui part à la chasse, perd sa place.
Genèse 27.35 Isaac répondit : Ton frère est venu par tromperie et il a pris ta bénédiction.
36 Ésaü dit : Est-ce parce qu’on l’a appelé du nom de Jacob qu’il m’a supplanté (trompé) par deux fois ? Il avait déjà pris mon droit d’aînesse, et maintenant il a pris ma bénédiction !
Ceci est clairement un mensonge. Ésaü parle de deux tromperies, mais la première était en réalité une affaire légitime et confirmée par son serment.
Il demande si son père n’a pas de bénédiction en réserve pour lui. Et il se mit à sangloter. Alors, Isaac lui donne une « petite » bénédiction, propre à son statut de deuxième en rang.
Leçons de cette histoire
Alors, quelles leçons pouvons-nous tirer de cette histoire ?
Oui, il y a péché
D’abord, nous voyons bien que tous les protagonistes ont laissé des plumes dans cette histoire.
La volonté d’Isaac de contrecarrer le plan de Dieu, la tromperie de Rébecca et de Jacob, et puis les mensonges d’Ésaü.
Ils font tous montre de faiblesse, d’incompréhension, et de péché.
Personne n’a agi de façon exemplaire. Que cette histoire ne serve jamais de prétexte de faire le mal.
Les moyens utilisés par les uns et les autres ne se justifient pas.
Mais il y a de la foi également – pécheur et croyant à la fois
Mais il y a de la foi également. Rébecca, elle, est l’héroïne de cette histoire. Elle a agi, aussi mal approprié que cela puisse paraître, en vue de la promesse de Dieu qu’elle avait reçu avant la naissance de ses deux fils.
Isaac, lui aussi, a agi par la foi, quand il a donné la bénédiction « par la foi » (Hébreux 11), car il a donné en héritage un pays qu’il ne possédait pas et que seuls ses descendants allaient habiter beaucoup plus tard.
En cela nous pouvons nous reconnaître.
Nos vies sont marquées de foi et de fidélité, bien que nous continuions à commettre des péchés.
L’honnêteté avec laquelle la Bible décrit aussi bien les erreurs que les actes de foi des personnages comme Isaac et Rébecca, nous aide à reconnaître nos fautes et à demander pardon, sans jamais désespérer de la fidélité envers celles et ceux qui le cherchent comme Jacob.
Dieu trace son chemin, même par nos chemins tortueux
Troisièmement, on voit aussi que toutes les erreurs et même les tromperies des uns et des autres n’ont pas empêché Dieu l’Éternel de réaliser la promesse donnée à Rébecca avant la naissance de ses deux fils.
Dieu accomplit son dessein à travers l’histoire des hommes et des femmes, l’histoire des familles et des peuples. Malgré leurs péchés et malgré leurs faiblesses, malgré leur rébellion contre lui parfois, malgré le fait qu’ils servent souvent d’autres dieux.
Parfois, il utilise le mal des hommes pour accomplir un bien.
Par les chemins tortueux des hommes, Dieu trace son chemin.
Il amènera l’histoire du monde vers la destinée finale, il accomplira ses promesses.
Souvent, nous ne voyons pas l’action de Dieu dans l’histoire du monde, tellement nous sommes accablés par les actualités, les crises, les évènements et les préoccupations du monde.
Cette histoire peut nous rassurer. Même si les hommes complotent pour faire le mal, Dieu est capable de l’utiliser pour accomplir le bien de son salut.
Les exemples abondent dans l’histoire d’Israël et celle de l’Église.
L’exemple suprême est la crucifixion de Jésus. Sa crucifixion était le résultat de tromperie, de méchanceté et de cruauté, mais c’est par cela que Dieu a donné le moyen à tous les hommes pécheurs pour obtenir le salut éternel.