Prédicatrice : Yanna Van De Poll
Date : Dimanche 19 mars 2023 Références : Jean 2 : 13 - 22 (Cliquer ici pour lire le texte)
Comme nous sommes dans la période avant les Pâques, j’ai choisi une histoire dans l’évangile qui s’est déroulée à l’approche de la fête de Pâques. Un épisode au début du ministère de Jésus dont nous trouvons le récit dans l’évangile de Jean au chapitre 2.13-22. Il s’agit de l’histoire de Jésus qui chasse les vendeurs du Temple à Jérusalem. Lisons ce passage.
Introduction
Quelques remarques au préalable
- L’histoire de Jésus qui chasse les vendeurs du Temple à Jérusalem, se trouve dans les quatre évangiles, mais à des places différentes. Les évangiles de Matthieu, Marc et Luc, situent cette intervention à la fin du ministère de Jésus, juste après son entrée triomphale dans Jérusalem, assis sur un ânon, et acclamé par la foule. L’Évangile de Jean par contre, raconte la même histoire au commencement du ministère de Jésus, juste après les noces de Cana quand Il a changé de l’eau en vin. Cela pose la question : Est-ce que Jésus a nettoyé le temple deux fois ? Ou l’a-t-il fait une seule fois ? La plupart des exégètes qui expliquent le texte, pensent que Jean a raconté la même histoire, mais différemment et qu’il l’a placée volontairement au début du ministère de Jésus parce qu’il voyait dans cette purification un geste prophétique. D’autres exégètes estiment qu’il a pu y avoir deux purifications du temple, l’une au début du ministère public de Jésus et l’autre à la fin. Ceci est d’autant plus vraisemblable qu’il y a des différences dans les versions.
- Quelles différences ? En Matthieu et Marc, Jésus chasse non seulement les marchands, mais aussi les gens qui achètent. Et il associe ces deux paroles des Écritures : « Ma maison sera appelée une maison de prière pour tous les peuples », comme le disait le prophète Ésaïe (56.7), suivi de ce reproche : « Mais vous, vous en avez fait une caverne de brigands », prononcé par le prophète Jérémie, (7.11). Ce n’est pas le cas dans l’Évangile de Jean. C’est pourtant celui-là qui est le plus concret et le plus détaillé, quant à cette intervention de Jésus. C’est le seul évangile où nous trouvons la mention du fouet fait avec des cordes. Ici, Jésus ne s’en prend ni à la malhonnêteté des marchands ni à l’hypocrisie des pèlerins, mais il mentionne trois catégories d’animaux, les bœufs, les brebis et les colombes. Dans le texte de Jean il n’est plus question d’une maison de prières transformée en caverne de bandits ou de voleurs, comme Jésus le dit dans les autres évangiles. Mais ici, Il parle de la maison de son Père, transformée en maison de trafic. Ces différences pourraient plaider pour l’hypothèse qu’il y a eu deux purifications du temple. Néanmoins, ces différences ne nous permettent pas de tirer des conclusions définitives quant à cette question.
- Une troisième remarque concerne le début du récit de Jean. Il commence par dire que la Pâque des Juifs était proche. Pourquoi préciser que c’était la Pâque des Juifs ? Est-ce que cela signifie que Jean a écrit aux païens auxquels il fallait expliquer tous les éléments du judaïsme ? C’est improbable, car on aurait du mal à croire que les lecteurs de Jean soient des païens tellement ignorants du judaïsme qu’ils ne savaient même pas que la Pâque était une fête juive. D’autres commentateurs disent que Jean écrivait en tant que chrétien vers la fin du premier siècle et qu’il a adopté le point de vue d’un homme en rupture avec le judaïsme. Ceci n’est pas non plus probable, car Jean a accordé beaucoup d’importance aux fêtes juives dans son évangile. Il situe tous les signes et tout l’enseignement de Jésus autour de ces fêtes. Il mentionne trois fois la fête de Pâque en plus des autres fêtes. Bref, aucune de ces deux options n’est satisfaisante. L’explication la plus probable est que Jean voulait dire que la Pâque était célébrée au temple en Judée. A l’époque les habitants de Judée étaient appelés Juifs ou Judéens, aussi bien par les Galiléens que par les Juifs de la diaspora. On peut donc comprendre que dans le cas présent, la fête en question soit nommée la Pâque des Juifs, pour dire : la Pâque des habitants de Juda. Cette note géographique cadre bien avec le contexte puisque le but du verset est d’expliquer pourquoi Jésus se rendit à Jérusalem en Judée.
Voilà pour les quelques remarques préalables. Regardons maintenant le texte de plus près pour comprendre ce geste de Jésus et pour en tirer quelques enseignements pour nous.
Comment comprendre le geste de Jésus ?
D’abord, comment comprendre le geste de Jésus ? Je donne quatre éléments :
- Premier élément. La fête de Pâque était une fête de pèlerinage. Les Juifs devaient monter au temple pour offrir des sacrifices à Dieu et lui rendre un culte dans le temple trois fois par an : pendant la Pâque et la Pentecôte au printemps et la fête de Tabernacles en automne. Pendant ces fêtes on offrait beaucoup de sacrifices. C’est pour cela qu’il y avait des animaux dans le parvis du temple. Pour les pèlerins, qui venaient de loin, c’était bien pratique. Ils pouvaient acheter des animaux sur place au lieu de devoir les amener depuis de chez eux. Par le passé, les marchands d’animaux avaient installé leurs comptoirs en dehors du parvis du temple, de l’autre côté de la vallée de Cédron, sur les pentes du mont des Oliviers. Mais ils avaient fini par s’établir dans la cour du temple. Très probablement dans le parvis des païens. A côté des comptoirs des animaux, il y avait aussi des changeurs de monnaie. C’était pour payer l’impôt du temple dû par tout homme juif de plus de vingt ans une fois par an. Des gens venus de tout l’Empire romain arrivaient avec la monnaie qui avait cours dans leur région. Or, l’impôt du temple devait être acquitté en monnaie tyrienne. On devait payer un demi-sicle, shekel en hébreu, qui équivalait à un demi-statère de Tyr en argent. Les changeurs de monnaie convertissaient donc l’argent étranger en monnaie acceptable et prélevaient en plus un pourcentage pour le service rendu. Entre guillemets : la monnaie en Israël aujourd’hui s’appelle également shekel.
- Deuxième élément. Quel est le problème pour Jésus ? Pourquoi va-t-il chasser des marchands ? Est-ce que Jésus ne veut plus que les gens offrent des sacrifices ? Est-ce qu’Il s’oppose à ce système sacrificiel ? Est-ce que Jésus accuse les marchands d’être des voleurs comme dans les autres évangiles ?
Si nous lisons bien le texte de Jean, nous voyons que Jésus ne se prend ni aux sacrifices, ni aux pratiques commerciales des marchands. Il leur dit simplement qu’ils n’ont rien à faire dans l’enceinte du temple. Rappelons ce qu’Il leur dit : « ne faites pas de la maison de mon Père une maison de trafic ». Dans l’évangile de Marc, Jésus le dit aussi, et Il ajoute la raison : car « Ma maison sera une maison de prières pour toutes les nations » (Marc 11.17).
Il n’y avait pas de silence solennel ni des prières, mais beaucoup de bruit. On entendait le mugissement des bovins et le bêlement des brebis. Le problème contre lequel Jésus se tourne ce n’est pas le commerce et l’échange d’argent, mais plutôt l’emplacement de ces activités dans le lieu qu’Il appelle la maison de son Père. Et dans cet endroit le trafic des marchands n’a pas sa place. Le geste de Jésus est un appel aux fidèles d’apporter au Seigneur l’adoration d’un cœur pur, sans le bruit ambiant des animaux ni ce qui pourrait détourner l’attention.
- Troisième élément. Ce que Jésus fait est un geste prophétique, il est l’accomplissement des paroles prophétiques, des promesses pour l’avenir. D’abord une parole de Zacharie : « Il n’y aura plus de marchands dans le temple du Seigneur des armées célestes, en ce jour-là ». (14.21) Ensuite celle de Malachie : « Et soudain il viendra pour entrer dans son temple, le Seigneur que vous attendez…oui, les descendants de Lévi, il les purifiera, il les affinera comme l’or et l’argent » (3.1,3).
- Dernier élément concerne la manière dont Jésus a fait ce geste. Au premier vu, on est frappé par l’énergie, la fougue, voire la colère de Jésus. C’est étonnant. Lui qui est toujours si doux, si retenu, comment en vient-il à chasser les animaux et les vendeurs du temple avec un fouet ? Avec tant de force ? Lui qui a dit de lui-même : venez à moi et apprenez de moi, car je suis doux et humble de cœur ? Pour expliquer ce geste, Jean cite le Psaume 69.10 : « le zèle de ta maison me dévore ». En d’autres mots, Jésus ne peut tolérer que la maison de son Père soit polluée et rendue impur. Cela lui prend aux tripes. Il veut que la maison de son Père soit un lieu pur, un lieu où règne le respect pour Dieu. Il veut que la maison de son Père soit un lieu où les fidèles s’approchent de Dieu pour prier et pas un endroit de commerce, et d’autres pratiques qui rendent le temple impur. L’intervention de Jésus est certes énergique, mais pas d’une grande violence. D’une part, le texte ne dit pas que cet acte a provoqué une émeute, sinon les troupes romaines de la forteresse Antonia qui surplombait une partie du temple, seraient certainement intervenues pour rétablir l’ordre. Et d’autre part, on sait très bien qu’on ne fait pas facilement sortir des bœufs ou des brebis et que Jésus avait bien besoin d’un fouet fait de cordes.
Comprendre la discussion avec les Juifs
Voilà pour le geste de Jésus. Maintenant nous allons regarder la discussion avec les Juifs, qui s’ensuit. Comment comprendre cette discussion ? Jean nous dit : » Les Juifs prirent la parole et lui dirent : Quel miracle nous montres-tu pour agir de la sorte ? » Alors, qui sont ces Juifs ? Sans doute pas tous les Juifs en général, mais les autorités du temple, des représentants du sanhédrin. En tant qu’autorités légales, ils avaient le droit de réclamer des preuves à celui qui venait de chasser des marchands du temple. Des preuves de son autorité. Pourtant, leur façon de poser la question est très étrange pour deux raisons.
Premièrement, ils ne demandent pas si la purification du temple par Jésus et les accusations qu’il avait portées étaient justifiées. En d’autres mots, ils ne se préoccupent pas de la pureté du culte et de la juste manière de s’approcher de Dieu. Ils se préoccupent seulement des questions de jurisprudence et d’autorité. Deuxièmement, le fait qu’ils lui demandent d’accomplir un signe miraculeux indique qu’ils se rendent comptes tout de même qu’ils ont affaire à un prophète envoyé par Dieu. Si c’est le cas, leur question n’est pas une bonne question. Car un signe ou un miracle opéré à la demande n’aurait rien prouvé d’autre que Dieu est un Dieu qui s’impose. Mais Dieu n’accomplit jamais des miracles pour s’imposer. Si les chefs avaient eu des yeux ouverts, ils auraient su que la purification du temple était en soi un ‘signe’ déjà, un signe dont ils auraient dû examiner la signification dans les Écritures.
Quelle est la réponse de Jésus à leur question ? Elle est encore plus énigmatique que la question. Il dit : « Détruisez ce temple et en trois jours je le relèverai ». Ni ses interlocuteurs, ni ses disciples ne comprennent sa réponse.
Et nous ? Est-ce que nous l’avons compris ? Est-ce que sa réponse est une vraie réponse à leur question ? Il semble que Jésus invite les autorités à détruire ce temple, promettant de le reconstruire en trois jours. Avec un accent sur ce. Je m’imagine qu’Il pointe sur lui-même en disant cela. Les autorités juives ont bien retenu la réponse de Jésus, car ils l’ont répétée lors du procès de Jésus. A ce moment-là, il y avait de faux témoins qui sont venus l’accuser en déclarant : « nous l’avons entendu dire : « Je démolirai ce temple fait par la main de l’homme et en trois jours j’en bâtirai un autre qui ne sera pas fait par la main de l’homme » (Marc 14.58). Vous voyez. Une parole énigmatique pour les Juifs et également pour les disciples. Les Juifs ont évidemment du mal à croire qu’un édifice dont la construction avait nécessité quarante-six ans de travaux sous la direction du roi Hérode le Grand puisse être démolie et reconstruite en trois jours.
Bien sûr, il y avait un malentendu. Jésus se présente ici comme étant lui-même le vrai sanctuaire, le vrai lieu de la présence de Dieu tandis que ses interlocuteurs ne pensent qu’à un bâtiment de pierres. Ça c’est typiquement Jean, il invite sans cesse ses lecteurs à aller au-delà du sens premier, à rechercher inlassablement une signification autre, une signification spirituelle ou existentielle. Pensons à la femme Samaritaine où Jésus parlait de l’eau vive, qui signifie l’Esprit Saint, ou encore à Nicodème à qui Jésus dit qu’il lui faut une nouvelle naissance. Jean va toujours plus loin dans son explication de propos de Jésus. Ici Jésus parle du temple mais Jean précise en verset 21 : « mais lui parlait du Temple de son corps ». Jean tient à ce que le lecteur de son Évangile comprenne le sens caché de la parole de Jésus. Il a précisé deux fois que « les disciples se souvinrent » des paroles de Jésus. Pour dire que la réponse de Jésus était difficile à comprendre. Il s’agit donc d’une compréhension des choses a posteriori, plus tard. En d’autres mots, les gens n’ont pas compris le sens de l’acte prophétique de Jésus au moment où il s’est produit, mais il a pris tout son sens plus tard après la résurrection de Jésus. C’est alors que les disciples se souvinrent et ils ont compris.
Quand Jésus parle de son corps en tant que temple, il voulait dire qu’Il devient le nouveau temple de Dieu. Que c’est seulement en Lui où la gloire de Dieu va se manifester. Par sa résurrection, Il va construire un nouveau temple, dont il est la pierre angulaire, un temple qui n’est pas fait par les mains des hommes, mais par Dieu. Désormais c’est Lui la maison de son Père, une maison de prières pour toutes les nations. Un lieu de rencontre entre Dieu et les êtres humains déjà maintenant. Et qui sera plus grand et plus glorieux encore dans l’éternité. C’est par Jésus que nous avons accès à Dieu, qui est assis sur son trône de grâce. C’est dans le nom de Jésus que nous apportons à Dieu notre louange, notre reconnaissance et nos prières. Ensemble, et chacun personnellement.
Quel enseignement pour nous ?
Nous avons parlé du geste de Jésus et de sa discussion avec les responsables Juifs.
La dernière question que l’on peut se poser est : qu’est-ce que ce récit peut nous apprendre ? Quelle leçon pouvons-nous en tirer ?
Je pense que la leçon la plus importante de cette histoire pour nous est qu’on doit veiller à ce que rien ne fasse obstacle à nos prières quand on s’approche de Dieu. Il y avait beaucoup d’obstacles dans le temple où les animaux et les marchands empêchaient les pèlerins de se recueillir et de prier Dieu. Tout ce bazar rendait le temple impur. La Bible nous invite aussi à nous approcher de Dieu avec un cœur pur : « puisque nous avons un souverain sacrificateur établi sur la maison de Dieu, approchons-nous avec un cœur sincère, dans la plénitude de la foi, les cœurs purifiés d’une mauvaise conscience, et le corps lavé d’une eau pure ». (Hébreux 10.21-22)
Pourtant, il peut y avoir des obstacles dans notre cœur et dans notre vie qui peuvent nous empêcher de prier Dieu avec un cœur pur. Quels obstacles par exemple ? La Bible en parle, parfois de façon explicite et parfois de façon implicite. Je vous en donne deux exemples.
- L’apôtre Pierre dit : « Maris, montrez à votre tour de la sagesse dans vos rapports avec vos femmes, comme avec un sexe plus faible ; honorez-les, comme devant aussi hériter avec vous de la grâce de la vie. Qu’il en soit ainsi, afin que rien ne vienne faire obstacle à vos prières ». (1 Pierre 3.7). Des relations perturbées dans le couple peuvent faire obstacle à nos prières. Pierre s’adresse particulièrement aux maris qui sont invités à honorer leurs femmes pour éviter des obstacles dans leurs prières. Mais je pense que le même principe s’applique aussi aux femmes. La femme a elle aussi une responsabilité : « que chaque femme respecte son mari » (Ephésiens 5.33).
Quand cela ne va pas bien dans le couple, il est difficile voire impossible de prier ensemble !
- Une deuxième indication se trouve en Matthieu où Jésus parle des soucis de ce monde qui sont comme des épines qui étouffent la bonne semence. Il dit : « Celui qui a reçu la semence parmi les épines, c’est celui qui entend la parole, mais en qui les soucis du siècle et la séduction des richesses étouffent cette parole, et la rendent infructueuse » (Matt 13.21). Il nous invite à ne pas se laisser perturber par les soucis. Les soucis de ce monde peuvent nous préoccuper à tel point qu’ils nous empêchent de louer le Seigneur et de Le remercier pour sa bonté. Bref, les soucis peuvent faire obstacle à nos prières comme les animaux et les marchands dans le parvis du temple. Ils peuvent détourner notre attention. Pour contrecarrer ce processus, attachons-nous fermement à la parole rassurante de Jésus qui nous dit : « or votre Père céleste sait dont vous avez besoin » (Matt 6.32). Nous pouvons donc faire entièrement confiance à Dieu.
Que le Seigneur bénisse sa parole, amen.