Patienter dans les embouteillages ou Dieu « prend » son temps

Prédicateur : David Kugler

Date : dimanche 5 septembre 2021
Références : L'Ecclésiaste 3 : 1 à 15

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Introduction

Bonjour à chacun, j’espère que vous avez passé un bel été, que les rentrées des enfants, des étudiants, des enseignants et de tous ceux qui ont repris cette semaine, se sont bien passées. Quand on reprend une année scolaire, ou une année ecclésiale, on a peut-être cette pensée sur ce qui se dessine dans les semaines et les mois qui vont venir et une réflexion sur le temps peut peut-être, occuper nos pensées pendant quelques minutes…

Le temps présent, le temps qui passe, le « temps va » de Léo …( pas Léo Messi mais plutôt Léo Ferre).
Laissez-moi, partager avec vous « le » texte de la Bible qui parle du temps ; quel texte magnifique !, en deux parties, une description des temps de nos vies, une liste de moments que nous pouvons vivre et puis une deuxième partie qui nous offre la vision de Dieu sur ce temps qui passe…

Lisons, vous l’avez deviné, ce texte de « celui qui convoque l’assemblée », « Qoheleth » ou « l’Ecclésiaste » : Ecclésiaste 3 : 1 à 15.

« Il y a un temps pour tout et un moment pour toute chose sous le soleil. 2 Il y a un temps pour naître et un temps pour mourir, un temps pour planter, et un temps pour arracher le plant, 3 un temps pour tuer et un temps pour soigner les blessures, un temps pour démolir et un temps pour construire. 4 Il y a aussi un temps pour pleurer et un temps pour rire, un temps pour se lamenter et un temps pour danser, 5 un temps pour jeter des pierres et un temps pour en ramasser, un temps pour embrasser et un temps pour s’en abstenir. 6 Il y a un temps pour chercher et un temps pour perdre, un temps pour conserver et un temps pour jeter, 7 un temps pour déchirer et un temps pour recoudre, un temps pour garder le silence et un temps pour parler, 8 un temps pour aimer et un temps pour haïr, un temps pour la guerre et un temps pour la paix. 9 Quel avantage celui qui travaille retire-t-il de la peine qu’il se donne ?

10 J’ai considéré les différentes occupations auxquelles Dieu impose aux hommes de s’appliquer. 11 Dieu fait toute chose belle en son temps. Il a implanté au tréfonds de l’être humain le sens de l’éternité. Et pourtant, l’homme est incapable de saisir l’œuvre que Dieu accomplit du commencement à la fin. 12 Aussi ai-je conclu qu’il n’y a rien d’autre qui soit bon pour lui que jouir du bonheur et se donner du bon temps durant sa vie. 13 Car, si quelqu’un peut manger et boire et jouir du bonheur au milieu de son dur labeur, c’est un don de Dieu. 14 Je sais que tout ce que Dieu fait demeurera toujours : il n’y a rien à y ajouter, et rien à en retrancher. Et Dieu l’a fait ainsi pour qu’on le révère. 15 Ce qui est aujourd’hui, a déjà été dans le passé, et ce qui sera dans l’avenir a déjà été, et Dieu fait revenir ce qui a disparu. »

Première partie

Je suis sur l’autoroute, à l’arrêt.
Je ne vois pas ce qui se passe devant. Y a t-il un accident ? Des travaux ? Je regarde mon GPS A l’endroit où je me trouve, la route est marquée d’un épais trait rouge qui s’étend sur plusieurs kilomètres.
Je vais rester coincé un moment.
Quelqu’un klaxonne derrière moi, d’autres lui répondent.
Je n’ai jamais compris, pourquoi les gens klaxonnent dans les embouteillages …Personne ne pourra aller plus vite, tout le monde est bloqué C’est sûrement pour exprimer sa colère, menacer le ciel peut être.

Impuissants et coincés, nous comptons les minutes d’une brève existence de mortel, et certain réagissent en klaxonnant, geste de rage et de protestation, qui casse plutôt les oreilles, mais qui ne fais surtout pas avancer les choses.
Je critique les gens qui klaxonnent dans les bouchons, mais si mes émotions produisaient des sons, elles klaxonneraient souvent. Il m’arrive régulièrement de perdre patience.

Je vis dans le monde de l’immédiat, j’aime à croire que le temps est à mes ordres.
Je vis dans l’illusion que je contrôle le temps, mon temps du moins. Et pourtant, je ne suis pas paysan, je n’ai pas besoin d’attendre que les blés soient murs Je ne suis pas sage-femme et je n’ai pas besoin d’attendre les premières contractions, mais quand mon ordinateur mets deux secondes de trop à réagir, il a droit à « allez mon gars, on n’a pas l’éternité devant nous ».

Évidemment, si je savais combien de temps il me reste à vivre, si je pouvais compter en nombre de semaines, ce que j’ai encore devant moi, je comprendrais bien que le temps n’est pas sous mon contrôle mais généralement, soit j’essaye de gérer le temps, soit il me rend amère, en fait je n’en ai jamais assez.
Il faudrait ralentir et attendre, mais je ne suis pas sûr de savoir comment on fait.

Pour le bien de mon âme, j’ai besoin de voir ce que cela fait d’attendre, de laisser le temps défiler, et me voilà, contraint à un exercice spirituel d’un autre temps, au beau milieu de l’autoroute : l’attente.

Vous connaissez l’histoire de Gulliver, roman satirique écrit par Jonathan Swift en 1721.
Le livre a été écrit par Swift après le krach de 1720. Il avait acheté des actions de la Compagnie des mers du Sud pour 1 000 livres. La spéculation avait fait passer la valeur d’une action de 128 livres à 1 050 livres, avant de s’effondrer ruinant bon nombre de commerçants britanniques. Cet accroissement puis cette miniaturisation de la richesse, en un temps très court, a dû donner à Swift l’idée des changements de taille relative, de son personnage principal, qui serait une métaphore de ce krach en donnant à Swift l’occasion de se moquer des travers de la société de son temps.

Pour son premier voyage, on voit Lemuel Gulliver, chirurgien de marine, naviguer vers Bristol. Après un naufrage, il se retrouve sur l’île de Lilliput, dont les habitants, les Lilliputiens, ne mesurent qu’environ six pouces de haut (env. 15 cm).

Et vous savez à quel Dieu, les Lilliputiens pensent que Gulliver voue un culte : à sa montre, car il la regarde constamment.
En 1720, déjà, Swift critiquait ses contemporains qui rendaient un culte au temps, à la vitesse et à l’efficacité, c’est toujours valable aujourd’hui mais selon la logique lilliputienne, le smartphone a détrôné la montre.
Mais la vérité, c’est que je ne contrôle pas le temps. Tous les jours j’attends, j’attends de l’aide, j’attends la guérison, j’attends les jours à venir, j’attends le secours et la rédemption Et comme tout le monde, j’attends la mort.
Et j’attends aussi la gloire, la venue du Roi, la résurrection des corps.

Les chrétiens sont des gens qui attendent ; nous vivons dans un entre deux, dans le « déjà » et le « pas encore » Christ est venu, et il reviendra ;nous habitons au milieu .Nous attendons.

Conclusion de la première partie

C’est la première conclusion de ma prédication, ce matin : en tant que bien aimé de Dieu, il faut que j’apprenne la dure pratique de la patience.

Un grand théologien chrétien du 20ème siècle, Hans Von Baltasar écrit : « Puisque Dieu a prévu pour l’homme tout bien mais que l’homme doit recevoir chaque bien quand Dieu le lui donne, tout saut par-dessus le temps, souhaité par l’homme, devient désobéissance et péché. »
Alors, peut-être qu’aujourd’hui, dimanche 5 septembre 2021, vous attendez quelque chose vous attendez cette chose depuis longtemps vous priez régulièrement pour que Dieu intervienne, vous le lui dites chaque jour, alors : ne baissez pas les bras, vous êtes dans le vrai et écoutez ce qu’ajoute ce théologien :

« La patience est la disposition fondamentale de l’existence chrétienne, l’attente courageuse, la constance, la persévérance, la maîtrise de soit contre l’impatience, la sagesse qui ne cherche pas à brusquer ou à contraindre les évènements d’une manière héroïque ou titanesque, mais plutôt la douceur supérieure à toute force des héros, de l’agneau qui est mené vers de verts pâturages. »

Quand je suis coincé dans un embouteillage, je vis un des rares moments de ma journée, où j’incarne le véritable état de mon existence humaine, je suis en route, je suis « déjà », mais « pas encore », je suis une créature qui vit et qui attend.

Deuxième partie

Il existe un tableau, dans une gallérie d’art contemporain New new-yorkaise qui représente, un trou de serrure, c’est un tableau lumineux, abstrait et quand on est devant, on a l’impression d’être devant une porte surnaturelle et mystérieuse. En étant devant ce tableau on n’a qu’une envie c’est de savoir ce qu’il y a de l’autre côté de cette porte.
La peintre aurait expliqué que c’est exactement ce qu’elle avait souhaité créer et elle a intitulé ce tableau : « Le cadeau. »

Pour elle, elle voulait faire ressentir cette impression d’attente qui dure, cette sensation d’être incapable d’entrevoir ce qu’il y a de l’autre côté d’être dans une incertitude quasi complète.
« J’ai toujours eu l’impression d’attendre la cadeau », dit elle, « mais j’ai fini par comprendre que le cadeau n’est autre que l’attente elle-même. »

Attendre en croyant que le temps de Dieu est parfait et qu’il se passe mystérieusement plus de choses qu’on ne croit lorsqu’on attend.
Dans nos temps d’attente, Dieu, travaille en nous Notre attente est active, elle a un but.

Conclusion de la deuxième partie

C’est la deuxième conclusion de mon message ce matin ; si vous avez choisi hier ou il y a 50 ans, de suivre le Christ, alors vous avez eu et vous aurez des temps d’attente dans votre vie. Des temps devant une porte fermée. Car c’est un processus indispensable pour avancer. L’attente fait avancer.

Un agriculteur nous expliquerait qu’une terre en jachère ne dort jamais ; tandis que le sol attend de recevoir des graines, tout un travail se fait en ses profondeurs invisibles, dans le silence Des micros organismes se reproduisent, se déplacent, mangent. Le vent, le soleil, les champignons et les insectes se rencontrent dans une danse délicate, qui donne vie au sol, l’enrichit, et le prépare aux semences.

La patience a pour caractéristique, non l’endurance ou la force d’âme mais l’espoir.
Et pour les chrétiens, la patience est fondée sur la Résurrection.
Notre vie est orientée vers un avenir qui est l’œuvre de Dieu, aujourd’hui, alors que nous attendons, Dieu est train de faire venir le royaume que nous connaîtrons pleinement, et nous savons que de grands cadeaux nous sont promis lorsque nous passerons cette porte et que nous rencontrerons ce donateur digne de toute notre confiance.

Nous avons donc vu deux choses fondamentales, Dieu prend son temps, c’est vraiment son temps et c’est lui qui le prend et que l’attente est un cadeau.

Troisième partie

Je termine par un dernier point : vous pourriez me dire, et je crois que vous auriez raison, pendant qu’on attend,tranquille, l’univers, et l’espèce humaine continue de courir à sa perte.

Je ne pense pas que la foi chrétienne soit un cas de romantisme détaché de la réalité, une douce utopie qui ignore l’injustice et le malheur environnant. Et nous pouvons penser que ce qui arrivera un jour, ce qui se passera derrière cette porte, arrivera en prenant en compte de ce qui se passe aujourd’hui en ce monde ;c’est dans ce monde en attente où se côtoient pommiers et chenilles, fanfares et didgeridoos, que Dieu remettra tout en ordre. C’est avec nous et parmi nous, que le paradis sera établi

Aujourd’hui, nous vivons dans un monde tellement malade, nous serons toujours quelque peu mal à l’aise dans le présent, hantés par la fragilité de ce « maintenant » L’avenir que nous espérons, un avenir où le droit jaillit comme une source d’eau vive et où la justice coule comme un torrent impétueux, est comme suspendu au dessus de notre présent, pour nous donner une vision du travail à accomplir ici et maintenant.

Conclusion de la troisième partie

Et c’est le dernier et troisième point de cette prédication, nous ne pouvons pas dire dans nos prières « Que ton règne vienne sans dire que ta volonté soit faite sur la terre ».

Ces deux notions de temporalité vont ensemble pour nous, un temps qui vient et un temps qui est. Ces deux temps ne s’opposent pas, l’avenir et le présent se complètent et deviennent condition de réalisation l’une de l’autre Il y a bien un temps pour chaque chose, mais chaque temps n’est pas indépendant de l’autre, nous avons peut-être trop tendance à bâtir des murs entre nos temps, mais un peu de recul, ou de hauteur sur les choses nous montreraient que les temps où nous pleurons ont une influence sur les temps où nous rions par exemple, ou que les temps ou nous cherchons peuvent modifier les temps où nous trouvons. C’est ce que j’appelle la définition du « temps de Dieu ».

Conclusion

C’était le quatrième épisode d’une série de prédication qui pourrait s’appeler « Liturgie de la vie ordinaire ».
Après « Faire son lit »,  il y a eu « Perdre ses clés » et « Boire un thé » celle d’aujourd’hui, s’intitulait « Patienter dans les embouteillages : Dieu prend son temps ».Je ne crois pas « qu’avec le temps va tout s’en va » ou que « le temps est assassin et emporte avec lui le rire des enfants ».

Le temps chrétien orienté vers l’avenir, nous rappelle que nous sommes en route. Il nous permet de vivre dans le présent en étant un peuple différent, qui attend patiemment la suite des événements sans jamais abandonner le but, l’objet de notre présence sur terre.
Dieu a racheté toutes choses, notre vie, dans la moindre de ses journées, est incluse dans cette rédemption. Nous existons par cette vérité, quelle que soit la vitesse à laquelle nous avançons, nous allons quelque part Ou plus exactement, ce quelque part, se rapproche de nous.
La Rédemption envahit notre petite portion d’univers, petit bout par petit bout, jour après jour, ou kilomètre après kilomètre. Nous avons cet espoir car notre Seigneur, nous a promis, qu’Il nous préparerait une place.

Pour l’instant, nous attendons, mais nous finirons par arriver.

 

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